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Agir avec les sociétés savantes

Les sociétés savantes

En l’absence d’instances de médiation reconnues, l’expérience montre que la communauté académique se trouve le plus souvent démunie pour traiter l’apparition de cas de fraude et de plagiat académiques : qui peut les traiter, dans quel cadre, avec quelle légitimité, avec quelle force d’intervention ? La difficulté est d’autant plus importante que le plagiat représente autant une atteinte s’inscrivant dans des relations entre personnes (droit civil) qu’une infraction aux normes et aux instances académiques (droit de type pénal).

Dans une telle configuration, l’objet de la mission SFM‐FNEGE confiée à P.- J. Benghozi [1], en 2011, n’était donc pas de chercher à donner une définition ou caractérisation du plagiat, mais bien plutôt d’élaborer des propositions de prise en charge collective des plaintes et des conflits en prenant comme point de départ la multiplication des affaires liées aux plagiats (attaques, plaintes…) et l’absence de cadre institutionnel pour les traiter. Voici les grandes lignes de ce dispositif.

1. Promouvoir un engagement de tous et de chacun

Aucun dispositif collectif ne peut résoudre à lui seul la question du plagiat. Il lui faut obtenir, simultanément, un engagement clair des parties prenantes et opérateurs de la recherche à travers l’adhésion à des bonnes pratiques partagées. Avant toute mise en place de traitement des plagiats, il convient donc d’envisager une action explicite de sensibilisation, commune à l’ensemble de la communauté (associations disciplinaires, commissions d’évaluation, établissements et revues notamment). Concrètement, cela devrait se traduire d’abord par l’élaboration d’une Charte commune précisant les principes et lignes de conduite à attendre des acteurs académiques de la recherche.

2.  Capacités d’instruction et d’arbitrage

Quelle que soit la forme précise retenue, pour qu’elle soit efficace, acceptable par tous et facilement mise en place, une telle instance de médiation ne doit pas viser à avoir force de loi, mais plutôt d’abord force de légitimité. C’est une condition indispensable pour que ses décisions puissent ensuite être réappropriées par les éventuels conseils scientifiques ou commissions disciplinaires.

3. Régulation et pacification des relations académiques

En assurant, en cas de conflit entre des parties, la prise en charge de l’instruction des dossiers de plagiat et l’élaboration d’un point de vue argumenté, le dispositif contribue à favoriser la responsabilité individuelle. Il renforce l’assainissement des pratiques collectives et incite à l’exemplarité vis-à-vis des étudiants et partenaires de la recherche.

En constituant un recours ou une menace potentielle en cas de faute, il contribue à la sensibilisation de l’ensemble de la chaîne de valeur de la publication : depuis les collègues directs et responsables de laboratoires ou d’établissements, jusqu’aux organisateurs de conférences, aux reviewers, éditeurs de revue, maisons d’édition…

4. Définition progressive d’une jurisprudence et de bonnes pratiques

L’absence  de la conscience (par les plagieurs potentiels) de limites claires invalide les démarches qui s’appuient exclusivement sur la sanction. Dans des contextes de continuum entre plagiat avéré et pratiques usuelles (usage normal de citations et références), il s’avère indispensable de « dire le juste et l’acceptable ».

5. Localisation du cadre institutionnel

Ce dispositif caractérise la faute ou l’absence de faute et suggère aux parties et tutelles concernées des modalités de réparation. Une telle instance de médiation ne doit pas viser à avoir force de loi, mais plutôt d’abord force de légitimité. C’est une condition indispensable pour que ses décisions puissent ensuite être réappropriées par les éventuels conseils scientifiques ou commissions disciplinaires d’institution.

6. Composition de la commission ou des médiateurs

Le dispositif s’articule avec des membres actifs et opérationnels en recherche, car le levier majeur d’un tel mécanisme de médiation reste la régulation et la formation entre pairs. Les participants à cette instance contribuent à en faire une instance paritaire et de débat, à l’instar des comités éditoriaux de revues, plutôt qu’un « comité des sages ».

7. Prise en charge du système

La contrepartie du sérieux de la procédure est que l’instruction des dossiers et les échanges avec les parties sont consommateurs en temps, et aussi parfois en moyens (missions pour rencontrer éventuellement certaines parties ou témoins, accès à des logiciels anti-plagiat et des bases de données bibliographiques…). Il convient donc de prévoir un financement adapté.

8. Informations, accompagnement et bonnes pratiques

Même s’il constitue le processus-clé des recommandations avancées, le dispositif de médiation ne doit pas être conçu de manière isolée. Il doit s’inscrire dans le cadre d’autres actions à mener en amont, notamment en matière d’information et de sensibilisation. Afin de faciliter l’apprentissage collectif de la communauté et l’apprentissage des règles et des bonnes pratiques, il apparait indispensable que d’organiser la publication régulière des décisions et des caractérisations des cas traités.

9. Transparence des analyses et procédures

Pour être indiscutables et plus facilement acceptées par tous, les décisions d’arbitrage supposent d’être argumentées. Elles ne peuvent relever du seul argument d’autorité. Il importe donc que l’instruction des dossiers s’opère dans le cadre d’un processus transparent. Ce qui suppose un processus où les étapes sont clairement définies ainsi que les critères et modalités de traitement, en séparant le constat (juger sur pièces et juger les pièces), le jugement d’arbitrage, et les attendus expliquant clairement les raisons et fondements de la décision adoptée. »

[1] Benghozi P.-J., 2011, Réduire et traiter les cas de plagiat, une proposition de la FNEGE et SFM, Document interne.