Cas où la décision de médiation est immédiatement prise. On y retrouve les dérives habituelles en matière de : a) morale (les menaces), b) déontologie (l’ajout d’auteurs invités, c) éthique (le maquillage du plagiat), d) responsabilité (la non-réponse des instances universitaires). Et on y trouve les acteurs de notre monde : Ecole doctorale, référents Intégrité, publications…
Bonjour Madame Bergadaà,
Je me permets de vous écrire, car j’ai été très récemment victime d’un plagiat de parties de ma thèse de doctorat.
En me documentant sur internet, j’ai lu avec assiduité votre site et vos préconisations.
Je vous résume donc rapidement ma situation.
J’ai fait une thèse de physique médicale à l’université Paris xxx/Paris xxx dans un laboratoire du XXX entre 2014 et 2017.
Pendant cette période j’ai été amené à travailler sur plusieurs projets. Un en particulier m’a conduit à former et encadrer un nouveau doctorant, pendant presque 2 ans, dont le projet était le sujet de thèse exclusif.
Ma thèse s’est très bien passée, j’ai soutenu en octobre 201x et ma thèse a été publiée sur les bases nationales numériques début 201x.
Je suis par la suite partie faire des études de médecine en province et je poursuis une activité de recherche académique ponctuelle avec un autre labo.
Je suis toujours resté en très bons termes avec les chercheurs de mon labo de thèse.
Le thésard que j’ai formé a récemment publié un article avec ses résultats. Les résultats ont été obtenus en bonne partie grâce à mes développements techniques de thèse. Sans ceux-ci il n’aurait pas eu de résultats, car ce que j’ai fait lui a permis d’acquérir les données et de réaliser les traitements préliminaires à l’analyse.
Le papier a été reviewé et a nécessité quelques corrections avant acceptation pour publication.
Au moment de son acceptation le directeur de la thèse qui fut mon encadrant a demandé à tous les co auteurs de pouvoir rajouter 3 personnes sur le papier.
Personnes dont je ne connaissais ni l’existence dans le projet ni la contribution et qu’il n’expliquait pas. Ma position sur le papier était de 3e auteur.
A l’occasion de cette situation, je me suis questionné sur le fait de rajouter comme ça un peu à la dernière minute des personnes sur le papier. De même, je me suis questionné sur la part de mon travail vis-à-vis de ma position.
En effet, sans mon travail technique pour acquérir les données et les reconstruire il n’y aurait jamais eu de résultats et donc de papier.
J’ai donc demandé au directeur de la thèse s’il était envisageable que j’occupe une place de co-premier auteur, ce qui est courant dans de nombreuses communautés scientifiques et m’aurait aidé pour ma carrière.
Il a refusé avec ses arguments, orthogonaux aux miens. J’ai cependant tenté d’en discuter par mail sans succès.
C’est à ce moment que j’ai voulu vérifier un point technique dans la thèse, récemment soutenue, du doctorant que j’avais formé et qui écrivait le papier.
A la lecture de son manuscrit, j’ai tout d’abord constaté que de nombreuses illustrations venaient de mon manuscrit. Certaines que j’avais réalisées en m’inspirant de la littérature, d’autres, totalement exclusives, et enfin certains résultats de mes travaux.
Ces images ne comportaient aucun lien ni référence vers mon manuscrit de thèse ou de mention de mon travail pour les obtenir.
Le texte m’est également apparu quelque peu familier, et j’ai donc entrepris une lecture approfondie qui m’a montré qu’environ 300 lignes de 2 des chapitres de sa thèse étaient des copiés-collés au mot près de mon manuscrit.
De même, j’ai remarqué que plus de 150 références de sa bibliographie venaient de la mienne, ne concernaient pas son sujet de thèse, mais le mien et n’étaient à aucun moment citées dans le corps de son manuscrit.
Des illustrations sont données dans le courrier ci-joint, sinon j’ai les fichiers avec mes constatations.
J’en ai donc déduit qu’il avait d’une manière ou d’une autre eu accès à mes sources de rédaction (texte, images et bibliographie) et en avait usé comme bon lui semblait sans aucune citation ni référence.
Problème supplémentaire, son directeur de thèse a co supervisé la mienne et avait relu et corrigé mon manuscrit. Donc il disposait des sources numériques et d’une version papier et je pense peu probable qu’il ait ignoré ces faits.
J’en ai donc immédiatement prévenu son directeur de thèse en mettant en copie mon encadrante de thèse en espérant obtenir son aide. Le contexte de l’époque faisait que je n’avais pas encore accepté le rajout des 3 auteurs sur le papier.
J’ai trouvé sa réaction très violente, car : il n’a pas reconnu le plagiat et m’a juste dit qu’il avait prévenu l’école doctorale et l’université xxx et qu’il les rencontrerait rapidement pour faire des « corrections ».
Ce comportement m’est apparu très grave, car il m’a exclu d’emblée de ses démarches alors que je suis le premier concerné, et il m’annonçait qu’il allait, seul, faire des « corrections », ce qui s’apparente pour moi à un maquillage des preuves du plagiat.
C’est à cette occasion qu’il m’a menacé de m’exclure du projet si je n’acceptais pas l’ajout des 3 autres auteurs et m’a confirmé que ma position ne serait pas modifiée.
Depuis ce mail il y a plus d’un mois je n’ai été contacté ni par l’école doctorale, ni par les universités concernées, ni par lui pour me tenir au courant de la situation. Cela m’inquiète aussi.
Ma co-encadrante de thèse dont j’espérais obtenir l’aide et le soutien cosigne son mail et ne m’a elle non plus pas contacté.
J’ai donc, selon vos recommandations et celles d’un ami universitaire, contacté le bureau xxx de Paris xxx qui s’occupe des questions d’éthique universitaire.
Là encore, cela fait presque un mois que je les ai contacté et n’ai eu aucune réponse.
D’autres universitaires que j’ai contacté m’ont vivement conseillé d’aller jusqu’au dépôt de plainte face à cette situation qu’ils trouvent extrêmement grave.
Je ne souhaite pas forcément aller jusque là, mais j’ai l’impression que la situation m’y contraint.
N’ayant jamais souhaité cette situation bien sûr, je me suis retrouvé pris au dépourvu, car je ne savais pas quoi faire. Clairement ce que je souhaite est que le plagiat soit reconnu et mentionné autrement que par une affichette dans un couloir obscur.
Le préjudice moral lié à tout ceci est grand, mais pas autant que la déception que je ressens vis-à-vis de la situation.
Je vous adresse tous mes remerciements pour les préconisations que vous avez publiées et que j’ai essayé autant que possible d’appliquer.
Je vous adresse mon cas, car il me semble que vous portez grand intérêt à documenter ces situations.
N’hésitez pas à me contacter si vous avez besoin d’informations.
AC, étudiant en médecine et chercheur, CHU de xxx, France
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