Publication 24.05.2016
Lorsque l’Institut de recherche et d’action sur la fraude et le plagiat académique intervient comme médiateur, les esprits se sont déjà échauffés et la pacification des communautés semble difficile. Une au moins des parties prenantes nous demande une intervention neutre, respectable et bienveillante.
Pour mener à bien une médiation, nous nous plaçons en situation de « métacommunication ». Ceci nous permet souvent de stopper net un conflit et d’éviter l’escalade de violence. Par ailleurs, la réactivité est un élément clé. Avec du bon sens il est possible de permettre à tous les protagonistes de retrouver rapidement la sérénité. Une personne qui se pose en victime d’une injustice académique ressent la lenteur des instances interpellées, voire l’omerta, comme une malveillance supplémentaire. Nous nous efforçons donc de régler le problème en moins de dix jours une fois les faits objectifs établis et que nous pouvons recadrer les faits, pour aboutir à la pacification des communautés.
Nous avons adopté un protocole de médiation en quatre phases.
- Première phase : entrée en matière
Avant de commencer une médiation, nous devons revenir aux faits.
Dans les cas de plagiat, les dates par exemple sont essentielles, car il y a toujours une antériorité d’un écrit à respecter. Mais l’usage de l’analyse comparative d’écrits permet de rester factuel. Un simple appel téléphonique avec les parties prenantes nous permet de ramener émotion et subjectivité à plus d’objectivité. Dès lors, nous pouvons faire exprimer à ceux qui ont demandé la médiation leur désaccord sur un problème d’intégrité, pas contre des personnes.
- Deuxième phase : le protocole
L’institut est une association de bénévoles issus de disciplines différentes. Nous pouvons pour chaque cas créer une cellule de médiation comportant des compétences complémentaires (exemple : un à deux juristes, un spécialiste de la discipline, un spécialiste des organisations, un conseiller du pays où se déroule le cas). Ensemble, de manière collaborative, nous décidons de ce qui est le cœur du conflit à traiter en priorité. Ce n’est pas toujours ce qui nous est énoncé en premier lieu par le/s plaignant/s.
- Troisième phase : interactionnisme
Nous communiquons avec toutes les parties concernées séparément. Dans les cas de conflit académique, les individus sont en souffrance et pour s’en libérer l’individu réagit mécaniquement dans un sens ou dans l’autre ou se retire du jeu. Certains parties-prenantes doivent donc être sollicitées.
Afin de cerner les motivations profondes des parties en présence, nous les interrogeons pour préciser les points suivants : en quoi le conflit les empêche-t-il de devenir ce qu’elles souhaitent être ? Quels sont leurs vrais objectifs et leurs motivations ? Qu’est-ce qu’elles attendent de cette situation d’ici un ou deux ans ? Ainsi, il est possible de leur faire relativiser le conflit et d’entamer la phase de médiation. Au fil des discussions, les revendications s’apaisent normalement par l’appel à la raison et la recherche de solutions.
- Quatrième phase : Recadrage du cas
Nous convenons de discuter sur la base de règles non respectées se situant à trois niveaux.
– Le premier concerne les fondamentaux de notre intégrité scientifique (l’antériorité indéniable de publications, la non-mention d’une première publication avant sa traduction, la non-mention dans le corps du texte qu’il s’agit d’une « traduction-adaptation »…)
– Le deuxième situe les fondamentaux de notre déontologie (ne pas informer ses co-auteurs de la parution d’un article commun, ajouter des auteurs invités n’ayant pas contribué, ne pas décider collégialement de la modifier autoritairement de l’ordre des auteurs…)
– Enfin le troisième niveau concerne le respect dû aux us et coutumes dans la discipline concernée (par exemple, en sciences sociales, l’ordre des auteurs d’une publication est normalement l’ordre alphabétique sauf si la contribution de l’un ou l’autre est significativement différente et le justifie).
- Cinquième phase : Clôture de la médiation.
Nous concluons la médiation en éliminant ce qui relève du conflit de personnes et ce qui relève du conflit d’intérêts. Si nous rencontrons de vrais « manipulateurs », nous optons pour une ligne plus « dure ».
C’est à ce moment que nous reformulons le cœur du problème, la faute éventuelle (plagiat, modification de l’ordre des auteurs, oubli d’un auteur…). Nous clôturons la médiation en envisageant les moyens de réparation qui dans la très grande majorité des cas se résument à une ou des lettres d’excuses et réconciliation des uns envers les autres.