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Alerte sur l’hyper-publication

Communiqué de l’IRAFPA – Alerte sur l’hyper-publication

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Depuis quelque temps déjà, l’IRAFPA est saisi de situations ou d’observations révélatrices d’une part, des craintes de la part de chercheurs de diverses disciplines quant au phénomène des hyper-publiants et, d’autre part, d’indications préoccupantes concernant l’intégrité académique des publications de certains de ces derniers.

Il est avéré dans un certain nombre de cas, ou simplement probable dans d’autres, que l’inflation des publications attribuées à un auteur, ou à un petit groupe d’auteurs, n’est matériellement possible qu’en renonçant à un certain nombre de principes-clés de l’intégrité académique.

Les chercheurs expérimentés, dans chaque discipline, savent apprécier le temps et les ressources nécessaires à l’aboutissement d’un article. Leur inquiétude s’éveille dès que la quantité de publications d’un auteur n’est plus cohérente avec les volumétries de temps et de ressources qu’un chercheur doit et peut raisonnablement y consacrer.

L’hyper-publication n’est pas en elle-même un phénomène homogène, si on l’observe de façon transdisciplinaire, ni un comportement condamnable en soi. Mais dans les cas qui peuvent être documentés et analysés, l’hyper-publication s’avère souvent le symptôme de spectaculaires atteintes, sinon de violations caractérisées, aux fins et moyens de l’intégrité académique.

L’hyper-publication peut s’appuyer sur de nombreux procédés tels que : auto-plagiat et plagiat (notamment inter-linguistique), adjonction de noms d’auteurs n’ayant pas contribué à l’article, falsification ou fabrication de données ou de traitements pour « aller plus vite », « faire du neuf » ou conforter une théorie, recours à des technologies de façon déloyale (par exemple recours à une intelligence artificielle pour écrire tout ou partie d’un texte), recours à des papermills ou usines à articles, manipulation de revues avec des rédacteurs complaisants, etc. Le recours à l’un de ces procédés frauduleux est variable d’un champ scientifique à l’autre et, quand il se concrétise, il comporte souvent des singularités disciplinaires.

Par ailleurs, pour que l’hyper-publication prospère, il faut la complicité plus ou moins consciente et plus ou moins active de chercheurs et rédacteurs de revues engagés dans les mêmes réseaux académiques. La mise en place de ce phénomène d’hyper-publication est donc la résultante d’autres manquements à l’intégrité qui ont pour matrice des liens interpersonnels ou des conflits d’intérêts : publications en réseaux d’opportunités, auteurs invités, appui de revues de faible qualité, etc.

Il est donc essentiel de formuler cette alerte, de façon à ce que les diverses institutions scientifiques et leurs dirigeants et dirigeantes prêtent attention aux cas les plus significatifs en leur sein.

L’hyper-publication, en tant que symptôme de stratégies ou de tactiques violant l’intégrité académique, représente un risque collectif qui ne peut plus être ni minoré ni occulté. Laisser ce symptôme hors de contrôle, c’est mettre en danger tant la réputation des chercheurs que des institutions académiques. C’est aussi mettre en danger la réalité et la qualité des contributions à l’avancement de la connaissance.

Il est aujourd’hui de notoriété publique que le productivisme en matière de publications est lié tant aux conditions actuelles d’avancement de carrière qu’aux systèmes de rémunération (au moins dans certaines disciplines et dans certains établissements) qui ont créé une forme d’intéressement financier à la quantité (plus qu’à la qualité) des publications. Ceci pousse les auteurs et chercheurs les moins soucieux de l’intégrité académique sur les voies de la délinquance académique.

Si les institutions académiques ne se saisissent pas des problèmes posés par l’hyper-publication, elles contribueront immanquablement au déclin et à l’effacement de la science comme composante essentielle de la culture démocratique. Leur Responsabilité Sociétale Académique (RSA) est d’ores et déjà engagée.

IRAFPA, le 12 janvier 2023.