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Étape 3. La logique de la conséquence

> Revenir à l’Étape 2 – Établir le dossier des faits

Une fois le descriptif rigoureux des faits établi dans le cadre de l’éthique, de la déontologie et de la responsabilité, nous considérons les conséquences du comportement délinquant.

Il est maintenant essentiel d’éviter de se perdre dans le caractère situationnel des conflits interpersonnels. Nous adoptons donc une posture strictement objective, avec une perspective « etic« . Adopter une posture de type  « emic » aurait a contrario pour but est  d’appréhender la représentation de la situation selon les points de vue particuliers de ses interlocuteurs.

C’est cela la force de l’IRAFPA que de refuser de se laisser entraîner dans l’analyse intersubjective de la simple « parole contradictoire ».  En effet, l’omerta a toujours pour excuse à la base : « ils ne s’entendent pas, c’est juste une incompatibilité de caractères ».

Nous avons adopté cette perspective (réf. Bergadaà, 2015) parce que le droit ne reconnait que la contrefaçon quand il s’agit de plagiat et n’entre pas en matière lorsqu’il s’agit de fraude scientifique. Une autre raison est la variabilité des traitements lorsque l’on ne s’attache qu’aux faits. Le système académique, en pratiquant pour la même fraude la répression pour les uns, l’impunité pour les autres, selon le statut du délinquant (étudiant ou professeur), les facultés ou les institutions, affiche son incohérence.

Notre grille d’évaluation de la gravité du cas est générique et suffisamment souple pour s’adapter à toutes les disciplines et toutes les situations.

Il est important d’effectuer deux opérations :

  • La première est de définir lesquelles parmi les dix conséquences ci-dessous sont impactées. Toutes (heureusement) ne sont pas présentes dans tous les dossiers traités.
  • La deuxième est de pondérer chacune de ces conséquences une fois identifiées. Par exemple qu’un directeur de laboratoire plagie un étudiant ou qu’un étudiant plagie un directeur de laboratoire, la conséquence est la même. Par contre, elle est infiniment plus grave s’agissant d’un jeune en début de carrière qui n’a peut être qu’une publication à son actif que pour un chercheur senior qui en a déjà des centaines.

1 – Le plagiat et la fraude académiques nuisent à l’avancement de la connaissance

 Les plagieurs et les fraudeurs s’inscrivent en faux dans le droit fondamental du lecteur à l’accès à l’origine des sources de la connaissance. Nous devons citer nos sources pour permettre à tout nouveau chercheur de se pencher, à son tour, sur nos données de base (quelle qu’en soit la nature), de conduire sa propre analyse, d’émettre de nouvelles hypothèses, de découvrir le « cygne noir » que nous n’avions pas vu parmi les « cygnes blancs » de notre argumentation, pour proposer de nouvelles interprétations. Le plagieur rompt le lien qui lie ceux qui nous ont précédés à ceux qui nous suivent, lien qui fonde la connaissance.

2 – Le plagiat est un vol de la création originale 

Plagier revient à faire disparaître l’auteur d’origine aux yeux de sa communauté. Se sentir ainsi symboliquement tué peut être dévastateur. Il ne s’agit pas d’une appropriation de l’œuvre, mais de la paternité de l’œuvre. Et, même si personne de sa communauté ne conteste qu’une personne soit le créateur de l’œuvre, la sensation de viol du plagié est naturelle. Il s’agit du vol d’une œuvre de l’esprit, donc unique : c’est une atteinte grave aux droits de la personnalité.

3 – Le plagiat porte atteinte au droit ultérieur de l’auteur à publier

Quand il y a vol d’idées originales d’un auteur, non seulement la victime est dépossédée du résultat de ses travaux, mais, en outre si elle veut ensuite publier sur ce sujet spécifique, elle sera contrainte de citer systématiquement son plagieur puisqu’il a l’antériorité de l’écrit. Le manuscrit plagiaire s’inscrit, en effet, dans une séquence chronologique qui oblige tout auteur traitant ultérieurement de son sujet à le citer.

4 – Le plagiat et la fraude académiques vident le sens d’une œuvre

Ce « post-modernisme » ficelé par les fraudeurs et les plagieurs académiques qui consiste à réutiliser des morceaux de textes ou des photos d’expériences ou des démonstrations disent tout et leur contraire. Mais qu’il est triste ce « post-modernisme » des plagieurs académiques qui consiste à réutiliser des morceaux de textes ou de démonstrations disant tout et son contraire ! Confectionner un patchwork ou un collage de textes ou d’idées émanant de contextes et de plans d’analyse différents, avec des perspectives épistémologiques indépendantes les unes des autres, n’a pas de sens. Et ces délinquants académiques sont très « conformes » et très « modernes » lorsqu’ils tirent parti de ces mosaïques par simple carriérisme.

5 – Le plagiat et la fraude académiques incitent à la recherche bâclée.

La forme de paresse qui s’installe lorsqu’un auteur commence à plagier ou à frauder ses données ici et là, puis de plus en plus fréquemment, bouleverse ses règles de conduite. Références diluées, auteurs fantômes…La tolérance – ou la résignation – des personnes qui constituent l’environnement de travail conduit à de nombreuses autres dérives. Il en est ici du plagiat comme de l’alcoolisme mondain : il se montre, mais ne se nomme pas, il se masque sous de bonnes manières et il agit en profondeur.

6 – Le plagiat et la fraude académiques provoquent un dysfonctionnement des revues scientifiques et de l’édition

Le plagiat provoque ainsi de nombreuses turbulences dans le processus linéaire de production des revues : elles sont soumises à de fortes contraintes lorsqu’il s’agit de retirer un article. Le rôle social de la revue scientifique traditionnelle est surtout de qualifier les auteurs.  Ces revues sont indispensables à l’ordre social fondé sur la distinction des chercheurs aptes (ou non) à être engagés par un type donné d’institution, ou encore à accéder à la direction de laboratoires. Le plagiat induit de nombreuses turbulences dans le processus linéaire de production de ces revues  lorsqu’il s’agit de retirer un article. Les revues cherchent à l’éviter, alors même que d’autres chercheurs utilisent les écrits fautifs en se fondant sur  des résultats faussés ou des écrits plagiés.

7 – Le délinquant de la connaissance fraude le système 

Le plagieur multiplie à bon compte le nombre de publications figurant sur son curriculum vitae et l’auteur bénéficie d’une position sociale et/ou professionnelle dans le système qu’il n’aurait peut-être pas occupée sinon. Ainsi, ce type de pratique introduit une grande iniquité en favorisant un tricheur au détriment de la personne honnête qui aura déclaré les écrits relevant de son seul mérite. L’auto-plagiat, qui consiste à utiliser le même écrit en le modifiant à la marge ou en le traduisant simplement, pour démultiplier sciemment le nombre de ses publications sur un curriculum vitae, est aussi une fraude.

8 – Le délinquant de la connaissance inhibe des chercheurs compétents

En jetant l’opprobre sur un groupe de chercheurs ou une profession, le phénomène de plagiat et de fraude académiques s’accompagne d’un parfum de scandale, qui fait naître des rumeurs à propos de personnes non coupables. Ainsi en est-il des co-auteurs en premier lieu ou des collègues d’unités. Souvent les victimes qui ne sont pas entendues abandonnent la profession laissant le champ libre à celles qui ont fait preuve de graves négligences, voire de fraude et de plagiat.

9 – Le plagiat et fraude académiques portent atteinte à l’image de nos établissements

Les actes de plagiat et de fraude portés à connaissance de tous portent aussi atteinte à l’image de l’institution. Et, au niveau individuel, des doctorants proclamés « producteurs de connaissances » par des jurys acceptant de leur délivrer une « thèse de complaisance » transportent leurs vices dans les organisations. En jetant l’opprobre sur ses mentors – responsables de laboratoires, directeurs de thèses, rédacteurs en chef de revues… – qui n’ont pas su le cadrer ou sur ses condisciples qui lui faisaient confiance, la délinquance académique génère l’inhibition de personnes honnêtes.

10 – La lutte contre l’inconduite académique coûte cher…

La découverte d’un cas et la mise en examen de son auteur entrainent des commissions d’enquête longues et coûteuses. Nul ne chiffre les salaires des avocats et des enquêteurs associés, le temps perdu… In fine, cet argent, c’est bien souvent sur les budgets de la recherche qu’il est prélevé.

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