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L’apathie de mes collègues

15/10/2019

LETTRE OUVERTE  A MES COLLEGUES RESPONSABLES DE PROGRAMMES DE MASTER

 

Chers collègues,

Je me permets de vous contacter dans le cadre d’une situation assez rocambolesque pour laquelle j’aimerais assez bénéficier de votre expérience.

J’ai une étudiante de master recherche qui a rédigé un mémoire sous ma direction. Il s’agit d’un mémoire en sciences de l’information et de la communication, dans une formation de master « sciences et société » de l’université xxxx où j’enseigne. Ce mémoire va être soutenu demain matin.

Ce mémoire est très mauvais au plan scientifique (pas de problématique, argumentation illogique, propos de sens commun, énoncés faux, etc.), mais surtout il comporte une série non négligeable de plagiat de mon propre travail (un rapport de recherche collectif que j’avais indiqué à l’étudiante en lui disant qu’il pouvait lui servir de base de travail). C’est déjà assez étonnant en soi qu’une étudiante recopie sans le citer le travail de son propre directeur de mémoire, mais vous allez voir que ce n’est pas le plus étonnant.

Il se trouve que, comme je lis toujours attentivement les mémoires que je dirige, j’avais signalé à l’étudiante ces problèmes bien en amont de la soutenance en lui demandant de les résoudre. Un premier aller-retour de correction n’ayant pas donné satisfaction à mes demandes, j’ai passé un logiciel de détection de plagiat sur le mémoire. J’ai alors découvert 2 thèses et des articles scientifiques également plagiés, en plus de mon propre rapport de recherche, ainsi que des sites web institutionnels : 26% de plagiat certain.

Je m’en suis ouvert au responsable de mon Master, au directeur de mon UFR, et au directeur du laboratoire dont dépend la formation de master. Je leur ai envoyé le rapport de plagiat, en leur disant que mon avis était négatif quant à la venue en soutenance du mémoire, non seulement en raison du plagiat, mais aussi de la mauvaise qualité du mémoire.

Nous avons eu plusieurs échanges de mails, dans lesquels j’indiquais précisément tous les textes plagiés, j’apportais les preuves matérielles du plagiat, et je répétais mon refus de la venue en soutenance de ce mémoire à la fois plagiaire, mais aussi ne répondant à aucun des critères universitaires d’exigence.

Chacun des responsables m’a répondu que je devais impérativement faire soutenir ce mémoire, sans tenir compte de mon argumentation. J’avoue ne toujours pas comprendre la raison de cette obligation de soutenance, mon expérience passée dans d’autres universités m’ayant plusieurs fois amené à refuser des venus en soutenance sans que cela pose problème.

Je ne pense pas qu’il y ait d’arrière plan politique. Je pense plus à une immense paresse intellectuelle et au clientélisme des formations où la question de l’intégrité n’est pas vraiment à l’agenda des préoccupations.

On m’a toutefois suggéré de demander à l’étudiante une dernière fois de référer les passages recopiés avec des guillemets ou des notes de bas de page avant la soutenance.

Contraint et forcé, j’ai donc envoyé le rapport du logiciel à l’étudiante en exigeant qu’elle mette entre guillemets tous les passages plagiés avant la soutenance, et qu’elle nous renvoie un ultime exemplaire de son mémoire en pdf débarrassé de tous les problèmes de plagiat. J’ai aussi composé un jury avec une collègue extérieure à la formation, de manière à garantir une évaluation indépendante.

Le résultat c’est qu’il reste de nombreux passages plagiés, et que demain, en toute connaissance de cause (UFR, labo et équipe de formation prévenus), un mémoire plagiaire de master 2 recherche, qui plus est dans le domaine « sciences et société », va être soutenu…

Que pensez-vous de cette situation ? Je vous remercie d’avance pour votre réponse.

Bien cordialement

I. B.

Pour répondre à l’auteur : lien sur son blog