Publication 11.04.2016

Le cas ci-dessous est significatif des confusions qui peuvent se produire quand il y a des interférences entre responsabilités des acteurs individuels et collectifs, et lorsque l’ordre juridique est appelé en renfort de l’ordre académique.

Nous allons donc parler ici de :

L’ordre académique qui a pour acteurs : plagieurs, plagiés, jurys de thèse, directeurs de thèse, universités…

L’ordre juridique qui a pour acteurs : services juridiques des établissements, avocats, tribunaux…

• L’ordre administratif qui a pour acteurs : organes administratifs, entités décernant les qualifications professionnelles…

• L’ordre médiatique qui a pour acteurs : journaux publics, blogs, télévisions…

• L’ordre éditorial qui a pour acteurs : directeurs de revues scientifiques, lecteurs, rédacteurs en chef, directeurs de collections, éditeurs de livres…

 

Les acteurs   Les « ordres » concernés
1) Acteur : la présumée victime de plagiat  A propos de l’ordre académique
 a • AB reçoit pour examen un livre proposé par CD à une grande maison d’édition. AB reconnait une partie de son travail. a • Procédure habituelle dans le métier de l’édition.
b • AB constitue un dossier de preuves factuelles et informe l’éditeur de ses réserves quant à la publication de l’ouvrage de CD. b • Les propos de AB sont mesurés et adaptés à la situation.
c • AB écrit directement à CD pour l’informer qu’il a découvert des plagiats dans son texte et a donné un avis négatif pour publication en l’état. Le ton est précis, moralisateur. c • Pourquoi faire cela ? Voir :  vade-mecum du plagié.
d • Comme CD nie les faits, AB écrit directement aux deux directeurs de la thèse de CD (thèse en cotutelle sur deux pays différents) pour détailler les faits et ajoutant détenir la preuve que la phase terrain avait été escamotée. d • Qu’espérait  ici encore AB ? Qu’ils lui diraient « merci » ?
2) Acteur : la présumée victime de plagiat A propos de l’ordre juridico-administratif
a • AB s’adresse au service juridique de son université pour demander conseil. a • S’il advenait une contre-attaque, la protection juridique s’applique dans ce pays à ses fonctionnaires. Les frais juridiques y sont donc pris en charge.
b • AB n’écoute pas le service juridique qui lui demande de porter plainte pour contrefaçon en justice. b • AB est une personne individuelle et le cas est un cas académique. Le réduire à de la contrefaçon est contre-productif.
c • AB écoute le service juridique en informant le Conseil National des Universités (CNU), organe qui décerne les titres de « Maître de conférences » en France c • Pourquoi demander à AB de dénoncer lui-même le problème ? L’Université dans son ensemble est « victime » de la fraude non sanctionnée. Ce serait donc donc au Président de l’université de AB d’informer le CNU
 3) Acteur : l’éditeur du livre proposé A propos de l’ordre éditorial
a • Recevant le rapport de AB, l’éditeur décide de ne pas publier le livre de CD. Il se réfère à la décision du comité éditorial qui a examiné les éléments. a • La décision d’accepter ou rejeter un ouvrage relève du seul arbitrage du Comité éditorial ou de son Rédacteur en chef.
b • Il communique à CD le rapport de AB et les informations reçues de AB.  CD croit à une décision intéressée, AB étant en meilleure position dans la hiérarchie universitaire que lui. b • Il faudrait que la clause de « non-plagiat » figure dans tout contrat, précisant que les mises au pilon sont à la charge des plagieurs.
4) Acteurs : les universités ayant délivré la thèse de CD A propos de l’ordre académique
a • Elles sont dans deux pays différents (Suisse et France).  a • Cette situation complique les dispositifs car il n’y pas d’homogénéité de dispositifs. Par exemple, en Italie, impossible d’annuler une thèse sans ordonnance des tribunaux, en Suisse c’est assez aisé, en France cela demande une grande détermination des présidents qui doivent eux-mêmes porter plainte, etc.
b • Il y a donc deux « directeurs de thèse ». b • Les thèses à « double tête » favorisent les situations de « double négligence ». Qui contrôle quoi ? Ici encore deux directeurs de thèse sont solidaires même en cas de problème.
c • L’une des universités a reçu CD et écouté sa version car un nouveau règlement (depuis 2 ans) précise le dispositif de traitement des cas de manquement à l’intégrité. Le directeur de thèse a aussi été entendu. c • Il est indispensable d’écouter les personnes impliquées dans ce type d’affaires.
d • Aucune des deux autres universités impliquées (de France) n’ont à l’époque des faits des dispositifs ou des « responsables de l’intégrité académique ». d • Chacun devrait savoir à qui adresser une information pour plagiat ou fraude en étant assuré de l’anonymat de sa démarche. S’ils l’avaient fait, AB aurait pu en toute confiance s’adresser à eux. Voir le dispositif du label anti-plagiat de la SGS.
6) Acteur : le présumé plagieur A propos de l’ordre institutionnel
a • CD dit avoir effectué un relevé de terrain et pourtant le responsable de ce terrain n’en a aucune trace, alors que le passage de AB (qui revendique être à l’origine des données) est inscrit dans ses registres. a • Nous n’avons aucun élément infirmant ou corroborant cela, n’ayant pas eu accès à cette donnée.
b • CD considère que les dés étaient jetés d’avance, car l’université où il a été entendu ne voulait pas d’ennuis avec l’ordre médiatique ayant déjà eu des cas très médiatisés par le passé. b • Effectivement, la crainte de faire la une des journaux y est grande et cette appréhension pèse automatiquement sur l’analyse objective des faits.
c • CD a accepté d’être le « sujet principal » de la lettre de l’avocat mandaté par ses deux directeurs de thèse. Ce, même si c’est clairement la réputation de ces derniers qui est évoquée.

 

c • CD avait un autre choix : il pouvait affirmer qu’il avait été mal encadré et que l’on ne lui avait jamais indiqué les risques d’une conduite. Il pouvait aussi s’excuser auprès de AB. Il pouvait également demander de reprendre sa thèse et d’apporter les modifications appropriées. Voir le vade-mecum du plagieur.
7) Acteur : les deux directeurs de thèse de CD A propos de l’ordre académique
a • Les deux directeurs de cette thèse sont des personnalités importantes dans leurs disciplines. Se faisant sermonner par leurs établissements respectifs, ils prennent un avocat pour défendre leur réputation. a • La notoriété ne contraint en rien à la fuite en avant.
b • Ils fournissent à leur avocat les courriers reçus strictement par le circuit professionnel. Ils associent CD à leur démarche, mais l’essentiel de l’argumentation de l’avocat sera que l’affaire risque de discréditer leur professionnalisme. b • Ce n’est pas aimable pour CD, car si l’affaire va réellement en justice, CD risque d’avoir aussi de fortes indemnités à payer à AB.
8) Acteur  : l’avocat des directeurs et de CD A propos de l’ordre juridique
a • Son argumentaire porte sur des lettres et des mails 100% issus du circuit professionnel, donc il semble difficile d’évoquer la diffamation. a • Les propos de AB se trouvent être étayés par des faits, une analyse et des solutions envisagées. il est évident que l’ordre juridique conclura à la « bonne foi » de AB, si ce n’est directement à « l’exception de vérité ».
b • L’avocat, pourtant de solide réputation, attaque le mail précis écrit par AB aux deux directeurs de thèse et évoque l’article 29 de la loi de 1881 sur la diffamation en France. b • Erreur d’analyse juridique au regard de la loi sur la diffamation. Ce mail  était pondéré (l’inverse serait une des « preuves » de diffamation), AB n’y porte pas plainte contre CD (pour demander une sanction pénale) et AB se réfère à la déontologie professionnelle (et non à la personne de CD).
c • Il évoque l’article L.335-2 du code de propriété intellectuelle. c • C’est illogique : cette loi ne concerne pas les conséquences du plagiat dans notre ordre académique. Ramener toujours ces cas à la contrefaçon et à la propriété intellectuelle est réductionniste : cela conduit à ne prendre en compte qu’une victime. Ils devraient consulter les 10 conséquences du comportement plagiaire.
d • Il évoque que les directeurs ont suivi et orienté la thèse de CD tout au long de son parcours. d • Donc, ces deux directeurs reconnaissent leur solidarité. Si AB porte plainte, l’ordre médiatique s’en donnera à coeur joie.
e • Il exige que AB retire ses propos sous huitaine sinon des mesures seront prises à son encontre. Il rappelle que la peine peut être de 300’000 euros d’amende.

 

e • Ces menaces sont coutumières en la matière. Si toutes les personnes qui nous ont menacés de procès en diffamation avaient gagné, il y a bien longtemps que ce site n’existerait plus.
9) Acteur : ordre médiatique A propos de l’ordre médiatique
a • L’avocat des deux directeurs de la thèse et de son rédacteur a envoyé sa mise en demeure à toutes les personnes ayant eu connaissance des propos de AB. a • En choisissant de faire circuler ainsi leur mise en demeure, les avocats ont rendu un bien mauvais service aux personnes concernées. Nous sommes un univers où tout finit toujours par se savoir.
b • Une centaine de personnes doit avoir connaissance de cette mise en demeure à laquelle bien sûr AB n’a pas répondu. b •  Le risque est grand que ce cas se retrouve étalé au grand jour par divers blogs ou médias.