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Les dix conséquences du plagiat et de la fraude

 

Pour évaluer la gravité d’un cas de plagiat ou d’une fraude scientifique, ce n’est pas un quelconque pourcentage qu’il nous faut considérer : par exemple, est-il plus « grave » de plagier à 90% qu’à 40% ?

Pour évaluer la gravité d’un cas d’inconduite académique, c’est dans une logique de la conséquence, et non de la cause, que nous devons inscrire notre analyse.

Notre responsabilité – au sens de Hans Jonas – nous appelle à nous interroger ainsi : Quelles sont les conséquences d’un comportement délinquant pour l’avenir de notre société du savoir menacée ?

(Ce texte est repris et adapté de l’article « Bergadaà M. (2013). Le dossier du trimestre : « Tu ne plagieras, point » sous la dir. de M. Bergadaà. Cultures & Sociétés, Téraèdre, N° 28, pp. 18-22″ et du chapitre « Bergadaà M. (2015). Appréhender la gravité du plagiat. Dans Bergadaà M. (2015). Le plagiat académique, comprendre pour agir (pp. 27-53). Coll. Questions contemporaines, L’Harmattan. »).

Fraude et plagiat nuisent à l’avancement de la connaissance

 Les plagieurs et les fraudeurs s’inscrivent en faux dans le droit fondamental du lecteur à l’accès à l’origine des sources de la connaissance. Nous devons citer nos sources pour permettre à tout nouveau chercheur de se pencher, à son tour, sur nos données de base (quelle qu’en soit la nature), de conduire sa propre analyse, d’émettre de nouvelles hypothèses, de découvrir le « cygne noir » que nous n’avions pas vu parmi les « cygnes blancs » de notre argumentation, pour proposer de nouvelles interprétations. Le plagieur rompt le lien qui lie ceux qui nous ont précédés à ceux qui nous suivent, lien qui fonde la connaissance.

2 – Le plagiat est un vol de la création originale 

Plagier revient à faire disparaître l’auteur d’origine aux yeux de sa communauté. Se sentir ainsi symboliquement tué peut être dévastateur. Il ne s’agit pas d’une appropriation de l’œuvre, mais de la paternité de l’œuvre. Et, même si personne de sa communauté ne conteste qu’une personne soit le créateur de l’œuvre, la sensation de viol du plagié est naturelle. Il s’agit du vol d’une œuvre de l’esprit, donc unique : c’est une atteinte grave aux droits de la personnalité. Or, les droits de la  personnalité sont intransmissibles. S’il persiste à vouloir publier sur son thème spécifique, la victime sera contrainte de citer son plagieur puisqu’il a l’antériorité de l’écrit. Et les co-auteurs malheureux d’un article frauduleux seront aussi obligés de le citer et donc de citer le fraudeur.

3 Plagiat et fraudes académiques vident le sens d’une œuvre

Ce « post-modernisme » ficelé par les fraudeurs et les plagieurs académiques qui consiste à réutiliser des morceaux de textes ou de démonstrations ou des données disent tout et leur contraire.

4 Plagiat et fraudes académiques incitent à la recherche bâclée

La forme de paresse qui s’installe lorsqu’un auteur commence à plagier ou à frauder ses données ici et là, puis de plus en plus fréquemment, bouleverse ses règles de conduite. Références diluées, auteurs fantômes…

5 – Le plagieur fraude le système 

Le plagieur multiplie à bon compte le nombre de publications figurant sur son curriculum vitae. Ce type de pratique introduit une grande iniquité en favorisant un tricheur au détriment de la personne honnête qui aura déclaré les écrits relevant de son seul mérite. L’auto-plagiat, qui consiste à utiliser le même écrit en le modifiant à la marge ou en le traduisant simplement, pour démultiplier sciemment le nombre de ses publications sur un curriculum vitae, est aussi une fraude.

6 – Le plagiat inhibe des chercheurs compétents

En jetant l’opprobre sur un groupe de chercheurs ou une profession, le phénomène de plagiat et de fraude académiques s’accompagne d’un parfum de scandale, qui fait naître des rumeurs à propos de personnes non coupables. Ainsi en est-il des co-auteurs en premier lieu ou des collègues d’unité. Le plagiat produit suspicion et honte.

7 – Plagiat et fraudes académiques sont des fraudes vis-à-vis du système et de la société

 Il conduit l’auteur à bénéficier d’une position sociale et/ou professionnelle dans le système qu’il n’aurait peut-être pas occupée sinon. Ainsi, l’autoplagiat pour démultiplier le nombre de ses publications sur un CV, est bien aussi une fraude.

8 – Plagiat et fraudes académiques provoquent un dysfonctionnement des revues scientifiques

Le plagiat provoque ainsi de nombreuses turbulences dans le processus linéaire de production des revues : elles sont soumises à de fortes contraintes lorsqu’il s’agit de retirer un article. Le rôle social de la revue scientifique traditionnelle est surtout de qualifier les auteurs.  Ces revues sont indispensables à l’ordre social fondé sur la distinction des chercheurs aptes (ou non) à être engagés par un type donné d’institution, ou encore à accéder à la direction de laboratoires. Le plagiat induit de nombreuses turbulences dans le processus linéaire de production de ces revues lorsqu’il s’agit de retirer un article. Les revues cherchent à l’éviter, alors même que d’autres chercheurs utilisent les écrits fautifs en se fondant sur  des résultats faussés ou des écrits plagiés.

9 – Plagiat et fraudes académiques portent atteinte à l’image de nos établissements

Les actes de plagiat et de fraude portés à connaissance de tous portent aussi atteinte à l’image de l’institution. Et, au niveau individuel, des doctorants proclamés « producteurs de connaissances » par des jurys acceptant de leur délivrer une « thèse de complaisance » transportent leurs vices dans les organisations. En jetant l’opprobre sur ses mentors – responsables de laboratoires, directeurs de thèses, rédacteurs en chef de revues… – qui n’ont pas su le cadrer ou sur ses condisciples qui lui faisaient confiance, la délinquance académique génère l’inhibition de personnes honnêtes.

10 – La lutte contre l’inconduite académique coûte cher…

La découverte d’un cas et la mise en examen de son auteur entrainent des commissions d’enquête longues et coûteuses. Nul ne chiffre les salaires des avocats et des enquêteurs associés, le temps perdu… In fine, cet argent, c’est bien souvent sur les budgets de la recherche qu’il est prélevé.