fren

Conférences

Colloque International

Recherche et action sur la fraude scientifique et le plagiat

Genève, le samedi 18 juin 2016 

 

Conférences
(par ordre alphabétique des auteurs)

 

  • Plagiat, fraude et éthique académique : quels outils et quelles instances instaurer… et comment ?

    Pierre-Jean Benghozi, Professeur, Ecole polytechnique, ARCEP

Dans un monde de la recherche où la pression à la publication se fait de plus en plus intense, où les échanges et la circulation des papiers sont de plus en plus nourris, où les moteurs de recherche favorisent de plus en plus le traçage des références, nous sommes de plus en plus souvent confrontés à des cas de plagiat et fraudes de tous types : dans les articles soumis à des revues, dans des communications, dans des thèses, dans des ouvrages. Ce phénomène concerne les étudiants et les enseignants-chercheurs de toute discipline.

Pendant longtemps, les réalités de ces tromperies et véritables escroqueries scientifiques ont été occultées ou minimisées. Cela a souvent conduit à beaucoup de non-dit et de souffrances non exprimées, mais toujours présentes. Mais à l’arrivée, cela ne contribue pas pour autant à résoudre sur le fond des problèmes qui se posent désormais de plus en plus fréquemment avec le développement de l’internet et les pressions à la publication. La multiplication des cas dénoncés ou constatés par les revues rend, dans ce contexte, l’inaction impossible. Les exemples existant dans d’autres disciplines montre qu’en l’absence de politiques volontaristes et de dispositifs collectifs, il existe des risques non négligeables de crise, à l’échelle d’une communauté disciplinaire ou à celui de grandes institutions.

Les cas de fraude sont source de souffrance pour la masse des scientifiques, qui se donnent du mal pour produire des résultats « dans les règles de l’art » et se voient dépassés dans les revues et les promotions par des collègues peu scrupuleux. Mais la souffrance existe aussi parfois pour les fraudeurs et plagieurs, qui peuvent se voir clouer au pilori, au-delà de l’importance de leur faute, car ils ne savent pas reconnaître leurs erreurs.

En l’absence d’instances de médiation reconnues, l’expérience montre que la communauté académique se trouve le plus souvent fort démunie pour traiter la situation quand de tels cas émergent : qui peut les traiter, dans quel cadre, avec quelle légitimité, avec quelle force d’intervention ? Ce phénomène ne peut que croître avec l’essor des TIC qui permettent une facilité de la copie, une amélioration de la traçabilité et une éventualité de retour sur des projets anciens archivés.

Dans une telle configuration, l’enjeu est souvent moins de donner une définition ou caractérisation des pratiques de fraude et de plagiat que d’élaborer des propositions de prises en charge collective des plaintes et des conflits, dans des cadres institutionnels forcément trans-institutions et trans-nationaux.

  • Protocole d’expertise et de recommandations lors de plaintes pour plagiat

    Michelle Bergadaà, Professeur, Faculté d’économie et de management, Université de Genève

Les plaintes pour plagiat se multiplient et les victimes ne savent pas comment constituer un dossier des preuves ni à qui le remettre. L’existence d’un Institut international et multidisciplinaire consacré à la lutte contre la fraude scientifique et le plagiat devient indispensable pour les accompagner dans leur démarche. Nous présenterons le dispositif de traitement des cas que nous avons établi pour accompagner les victimes dans leur démarche de reconnaissance des torts et leur demande de réparation. Après avoir dressé le bilan de tous les cas traités depuis cinq ans et analysé la raison des succès ou échecs successifs, nous décrirons les étapes du protocole de traitement des dossiers que nous accompagnons. Notre dispositif porte sur : l’acceptation d’accompagnement du plaignant, le choix des textes ciblés par le plaignant, l’établissement des tableaux comparatifs (par le plaignant ou par des experts de la discipline concernée) où sont mis en parallèle des extraits du texte plagiaire avec des extraits des textes-sources, la définition des modes opératoires et les indices relatifs à l’intentionnalité de l’attitude plagiaire, la déduction quant aux conséquences du comportement plagiaire, le mode d’information aux victimes identifiées et, finalement, l’établissement de recommandations.

Une expertise réussie est celle qui est en mesure d’évaluer la situation et de proposer des mesures réparatrices adaptées. En cas de plagiat non avéré, mais en présence d’un cas de négligence ou de manque de déontologie, nous proposons une action de médiation entre les parties. La contextualisation est ensuite indispensable avant de proposer des mesures de réparation. Ainsi, les responsabilités en cas de conduite déviante, les négligences ou complicités présumées sont mises en exergue à ce stade. Les recommandations finales s’ancrent dans les visées de notre méthodologie d’expertise qui est, in fine, de pacifier les communautés. Il s’agit donc de proposer aux responsables administratifs et académiques qui sont saisis du/des cas via la lettre de plainte établie par le plaignant d’engager les actions proportionnées aux faits de plagiat constatés, aux circonstances contextuelles du comportement révélé et aux principes fondamentaux de l’équité.

  • Mise en place d’une politique en matière de déontologie de la recherche à l’échelle d’un établissement de recherche

    Pierre-Henri Duée, directeur de recherche émérite, délégué à la déontologie de l’Institut national de la recherche agronomique (Paris)

Les évolutions du contexte dans lequel travaillent les équipes de recherche font émerger des enjeux forts de coopération, y compris à l’international, des enjeux liés au nécessaire fonctionnement collectif de la recherche, mais aussi créent des tensions, notamment induites par le caractère compétitif des activités. La nécessité de se donner des repères déontologiques s’est imposée récemment dans la communauté scientifique.

(1) L’élaboration de la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche fut une étape intense de réflexion, s’appuyant sur l’analyse des principaux textes et codes qui existent dans ce champ et dégageant le sens général de la mission du chercheur : la charte constitue un éclairage pour l’ensemble des personnels, car elle explicite ce que l’on attend d’une démarche scientifique rigoureuse et intègre. Elle rappelle aussi que la responsabilité individuelle du chercheur se décline dans un espace collectif.

(2) L’adoption de la charte de déontologie par l’établissement de recherche n’étant qu’un point de départ, la question qui se pose ensuite est de faire partager une culture de déontologie parmi l’ensemble des personnels de recherche, qui s’appuie sur l’exigence des pratiques en recherche et qui doit permettre d’accroître la confiance dans la qualité des productions de la recherche. Cela passe notamment par la nomination d’un « référent » au sein de l’établissement, directement rattaché à sa gouvernance, qui s’assure que chaque personne puisse prendre connaissance des principes rappelés dans la charte et qui constitue le premier interlocuteur pour recevoir les demandes d’informations et prodiguer tout conseil dans ce domaine. Cela passe aussi par des actions de sensibilisation, information et formation.

(3) Enfin, des procédures claires et connues de tous doivent être décrites pour prévenir et traiter les situations de manquement présumé aux principes inscrits dans la charte de déontologie qui sont signalées au « référent » ou aux alertes s’y rapportant. Celui-ci est tenu de rendre compte au président de l’établissement des conclusions et recommandations de l’instruction, réputée indépendante et confidentielle, protégeant la présomption d’innocence et, si nécessaire, réalisée avec l’appui d’experts extérieurs.

  • Une stratégie internationale nécessaire pour l’organisation de la lutte contre le plagiat et la fraude

    Pierre Hoffmeyer, Professeur honoraire, ancien chef du service de chirurgie, HUG, Genève, Suisse.

Le plagiat et la fraude académique ont pris un essor considérable ces dernières années, comme en témoigne une recherche Google qui au mot clé « plagiarism» livre plus de 30 millions (!) d’items. L’utilisation intensive des ressources de l’internet ont facilité le plagiat mais ont également permis sa détection. Les relations de plus en plus étroites, et avec enjeu économique, entre recherche, industrie et publication peuvent encourager une certaine forme de fraude qui consiste à passer sous silence les résultats perçus comme négatifs ou délétères par le commanditaire. Dans le milieu des congrès et réunions médicales à visées scientifiques ou académiques, beaucoup de publicités sont faites autour de nouvelles molécules, de procédés originaux ou de technologies innovantes par les partenaires industriels. Les retombées financières de ces publicités sont nécessaires au fonctionnement des sociétés et institutions savantes mais sans preuve ou évidence de l’efficacité ou de l’innocuité de ces produits nouveaux, la fraude guette.

Le plagiat et la fraude ne connaissent pas de frontières et atteignent toutes les régions de la planète autant le nord que le sud comme en témoignent des articles retrouvés sur ces thèmes provenant de tous les continents et de pays aussi divers que le Nigeria, le Cameroun, l’Inde, le Pakistan, la Thaïlande, l’Iran, la Roumanie, Oman, l’Arabie Saoudite ou le Yémen notamment. Devant ce fléau croissant, les institutions académiques, les sociétés savantes et les éditeurs de revues spécialisées commencent à mettre en place des moyens de défense. En première ligne, la majorité des sociétés savantes médicales ont instauré des comités d’éthique et des lignes directrices mentionnant explicitement le plagiat et la fraude scientifique.

Pour faire face à l’augmentation des cas de plagiats et de fraude, une stratégie incluant la prévention, l’identification et la sanction doit être mise en place par les organisations scientifiques et académiques. La prévention peut se faire par l’information large et diffusée à tous les membres concernés de la communauté scientifique de faits avérés. Le problème des sanctions doit être analysé. La conséquence étant l’exclusion pure et simple de la société en cas de fraude ou de plagiat avéré. A titre d’exemple, deux membres « éminents » d’une société chirurgicale ont subi l’exclusion de la société pour avoir envoyé pour acceptation à la réunion annuelle un résumé frauduleux. L’affaire a été prise au sérieux par l’université d’un pays nordique à laquelle appartenaient les « chercheurs » et qui a, de ce fait, prononcé la déchéance de leurs affiliations et titres universitaires. Mais chaque cas est différent et il s’agit de mettre en place les instruments qui permettent d’éviter de sous- ou de surestimer la gravité de la faute et donc de moduler la lourdeur de la sanction à mettre en œuvre. Il est urgent pour la réputation de la communauté scientifique de mettre sur pied un organisme international de référence édictant autant que possible des normes de ce qui est acceptable et une gradation des sanctions pour les cas qui ne relèvent pas (encore) de la justice civile ou pénale.

  • Les revues scientifiques vs. institutions dans la gestion des mauvaises pratiques

Hervé Maisonneuve, Consultant en rédaction scientifique, ancien Professeur associé de santé publique, Paris

La mise en évidence des mauvaises pratiques est un des rôles non voulu des revues scientifiques. Les revues ont 3 mécanismes pour réagir : la correction, l’expression de réserves, et la rétractation. Les rétractations augmentent pour atteindre bientôt 1000 par an. Les causes sont surtout les fraudes/malversations et les erreurs honnêtes. La pression sur les chercheurs pour publier, l’évaluation des carrières par un critère de substitution (nombre d’articles dans une revue prestigieuse) plutôt que par la qualité de ses recherches ont eu un impact sur les revues. Le déni de pollution de la littérature est une attitude fréquente de tous les acteurs.

Les revues sont parfois en première ligne, et elles découvrent des plagiats, des publications redondantes, des manipulations de données ou d’images, des publications ne respectant pas les objectifs des protocoles, des conflits d’auteurs et autres pratiques discutables en recherche. Les revues signalent ces pratiques aux auteurs, parfois aux reviewers, mais rien ne se passe. Les revues s’adressent peu aux institutions, qui protègent les chercheurs, et ne répondent pas aux revues.

Pour publier une rétractation, la revue doit avoir des preuves. Si les auteurs acceptent de signer une rétractation (erreur honnête ou mauvaises pratiques), la revue publie cette rétractation. En cas de refus des auteurs de collaborer, la revue ne peut pas décider de publier une rétractation sans preuve (une suspicion n’est pas suffisante), ni conduire un audit dans une institution. La seule option est d’écrire à l’institution : en l’absence de réponse, la revue devrait avoir un recours externe, avec des conseils pour pouvoir motiver une enquête. En dehors de l’Amérique du Nord, il n’existe pas de structure pour évaluer ces situations.

Tous coupables ? Les universitaires pensent que c’est de la faute des revues scientifiques qui travaillent mal. Les rédacteurs de revues pensent que si les institutions faisaient leur travail, ils ne devraient recevoir que des manuscrits de qualité, pré-évalués par les institutions. Dialogue de sourds à l’évidence sans solution !

Les revues n’ont pas pour mission de se substituer aux institutions pour évaluer ou auditer la qualité des pratiques. Les propositions de DORA (Declaration On Research Assessement) vont dans la bonne direction, mais sont insuffisantes. Le Committee On Publication Ethics a créé un espace de dialogue, mais n’apporte pas de stratégies d’action. Des revues souhaiteraient fédérer leurs efforts pour renforcer l’intégrité académique en aval de la publication. L’enjeu, en 2016, est de savoir comment et par quel dispositif.

  • La certification par la SGS et programme anti-plagiat

    Jean-Pierre Méan, Ancien président de Transparency International Switzerland, Expert Accréditations SGS, Genève, Suisse

 Nous réaliserons d’abord un survol des activités de certification de la SGS dans les domaines de la responsabilité sociale des entreprises, de la lutte contre la corruption et du plagiat. La SGS est la no 1 des sociétés d’inspection, vérification, testing et certification : 85’000 employé, 1800 bureaux et laboratoires dans le monde entier, CA : CHF 5.7 milliards (€ 5.1 milliards), No 1 de la certification, CA : CHF 419 millions (€ 377 millions). Les évaluations ou certifications sont effectuées selon notamment les standards suivants : ISO 26000 (non certifiable) ; Responsabilité sociale, ISO 45001 et OHSAS 18001 ; Santé et sécurité, SA 8000 ; Responsabilité sociale. La SGS est en outre accréditée pour conduire des audits selon les programmes suivants: Business Social Compliance Initiative (BSCI), Electronic Industry Citizenship Coalition (EICC), Ethical Trading Initiative (ETI), Initiative Clause Sociale (ICS), International Council of Toy Industries (ICTI). SEDEX (Supplier Ethical Data Exchange) members ethical trade audit (SMETA).

La SGS a été pionnière en Europe en mettant en place son propre système anti-corruption, en s’engageant dans l’évaluation et la certification de systèmes de management anti-corruption selon : le standard français d’Ethic Intelligence, le standard britannique BS 10500 et se prépare pour ISO 37001 (automne 2016). Le développement de la certification anti-corruption est stimulé par la mise en place du UK Bribery Act (loi sur la corruption) en 2011: Cette loi a statué une responsabilité pénale des sociétés pour toute corruption dans leur périmètre si elles n’ont pas de procédures anti-corruption adéquates;  cette disposition concerne toutes les sociétés qui ont une activité commerciale dans le Royaume-Uni pour leurs activités dans le monde entier .

Dans cette lignée, les principes directeurs pour un programme anti-plagiat seront présentés. Ils ont été développés avec le professeur Michelle Bergadaà pour l’expertise anti-plagiat et par la SGS pour l’expertise certification. Comprennent les éléments des programmes de conformité, soit : l’engagement des instances et personnes concernées de lutter contre le plagiat, les ressources financières et humaines, les chartes ou codes de conduite, la communication interne et externe, la formation, les contrôles, la gestion des plaintes, les sanctions et la communication.

  • Une typologie des fraudes académiques prédominantes : comment les repérer pour les circonscrire

Paulo Peixoto, Professeur, Université de Coimbra

(Membre d’une équipe de recherche aussi constituée par (Ana Seixas, Denise Esteves, Filipe Almeida e Paulo Gama).

Une recherche subventionnée par la Fundação para a Ciência e a Tecnologia, Operational Programme Thematic Factors of Competitiveness (COMPETE) et le Fonds européen de développement régional (FEDER) a été réalisée sur un échantillon représentatif (7.292 répondants). Elle porte sur la fraude académique commise par les étudiants du premier cycle dans l’enseignement supérieur au Portugal (recherche également conduite au Brésil et en Espagne avec des échantillons non représentatifs). Une typologie des principales fraudes académiques a pu être établie.  Cette typologie a été contrôlée par des enquêtes réalisées auprès de professeurs (2.727 répondants). Elle a été validée, au niveau du contenu, avec des méthodologies qualitatives.

A l’issue de ce travail, nous sommes en mesure de présenter les principaux facteurs de motivation et d’inhibition pour commettre ou ne pas commettre différentes formes de fraude académique. Elle est ancrée sur quatre catégories axiales de fraude : appropriation, simulation, facilitation et occultation. Nous présenterons les perceptions et les opinions des étudiants et des professeurs vis-à-vis des fraudes académiques prédominantes afin d’en repérer et d’en discuter les formes le plus fréquentes. Nous traiterons notamment des mécanismes de dénonciation, de l’attribution de sens de gravité relative aux différentes formes de fraude académique et des dispositions préalables à la réalisation de formes distinctes formes de fraude.

  • Approche d’une agence de financement de la recherche : l’expérience du Fonds national de la recherche Luxembourg

    Asaël Rouby, Research Integrity Officer, FNR, Luxembourg

Le paysage de la recherche est certes jeune au Luxembourg, mais depuis plus dix ans, la recherche publique a bénéficié d’un soutien très conséquent de la part du public et des acteurs politiques. Pour les années à avenir, il est de la responsabilité  individuelle des divers acteurs de la recherche d’apporter collectivement la preuve que lesdits investissements ne sont pas vains et que ces derniers porteront leurs fruits en termes d’impact économique, sociétal, culturel et académique.

Le FNR souhaite, dans ce contexte actuel, assumer son rôle d’agence de financement de la recherche publique et vise à « promouvoir la qualité et l’excellence scientifiques de la recherche ». De ce fait, en tant que bailleurs des fonds attribués de façon compétitive à la recherche le FNR a entrepris depuis plusieurs années une réflexion sur l’éthique et l’intégrité scientifique afin de mieux définir sa politique, en cohérence avec les actions des divers acteurs.

Les conduites éthiquement ou déontologiquement discutables font l’objet d’une dissémination plus transparente et en tant qu’agence de financement il convient de répondre. Ainsi prenons, pour illustrer l’évolution de l’approche des acteurs européens l’exemple du groupe de travail de Science Europe (a) et de la présidence luxembourgeoise du conseil de l’UE (b) ainsi que la volonté entre les acteurs nationaux de créer une agence commune (c).

  1. a) Science Europe (créée en 2011) est une association regroupant 52 agences de financement et organismes de recherche, qui a pour objectif de promouvoir les intérêts collectifs du financement et de la réalisation de la recherche en Europe. Partant, par le biais de groupes de travail, diverses approches pour aider les membres à mettre en place des règles  sont explicitées.
  2. b) Au plus tard depuis l’adoption début décembre 2015 en conseil de la compétitivité durant la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE  l’intégrité scientifique de la recherche est également portée  par les politiques des pays membres.
  3. c) Au niveau national, la volonté du MESR et du FNR est de mettre en place courant de l’année 2016 une agence nationale ayant une double mission : la prévention et l’investigation de fraudes.

L’enjeu, pour le futur est de préserver les investissements antérieurs et garantir l’excellence et de facto, sans vouloir faire un plaidoyer pour une science « propre », il convient de porter l’approche sous l’éclairage actuel et de discuter les possibles orientations et choix, car la fraude contribue à semer le doute et le discrédit !

  • Une plate-forme collaborative consacrée au plagiat et à la fraude scientifique : l’analyse netnographique

    Nada Sayarh, Doctorante, Faculté d’économie et de management, Université de Genève

Le site « Responsable.unige.ch » s’est fixé, à l’origine, comme objectif de soutenir les victimes du plagiat académique. Jusqu’à présent le site responsable a pu s’appuyer sur ses propres ressources afin de combler ce vide académique. Néanmoins, la prolifération des cas de plagiat, ainsi que l’accroissement de la notoriété du site, a résulté à une surcharge des demandes d’intervention qui ont franchi les frontières de la langue française et du contexte franco-suisse. L’équipe « Responsable » s’est donc lancé comme défi d’étendre son action via la mise en place d’une plate-forme collaborative virtuelle.

Ce format d’intervention collaboratif représente plusieurs avantages. Tout d’abord la présence virtuelle, permet aux victimes d’avoir une réponse immédiate à leurs questionnements de la part d’autres « adhérents » sans intervention directe de l’actuel unique interlocuteur des victimes, Pr Bergadaà. La nature collaborative de cette communauté permet à chacun l’accès à des expertises de plusieurs domaines et pays. Ce type de communautés virtuelles lève le rideau sur les non dits et donne un sentiment de sécurité qui encourage les membres à s’exprimer. Ainsi, l’interaction entre eux permet la mise en place d’une culture de partage d’information et de soutien mutuel. De plus, ce type de regroupement offre la possibilité de s’aligner sur des objectifs qui peuvent dans ce cas de figure faire avancer la lutte au niveau global contre la propagation du plagiat.

Au niveau de la recherche scientifique, la mise en place d’une plate-forme virtuelle, permet une meilleure compréhension de cet objet et de sa dynamique. En effet, le site collaboratif permet une augmentation des cas à traiter.  Ceci donne accès à un corpus de recherche fort en substance qui pourra être investi à travers une Netnographie approfondie. En effet, cette méthode novatrice permet une analyse des données disponible sur le web. Elle donne l’accès à des données que les méthodes classiques tels que les entretiens ou les groupes de focus ne permettent pas. La Netnographie est une méthode naturelle et non intrusive qui permet de cerner la culture ainsi que les dynamiques des communautés virtuelles. C’est une méthode naturelle, qui permet l’observation des interactions des membres dans leur environnement. Cette méthode offre une supériorité pour les sujets sensibles, elle encourage la liberté d’expression face à des sujets qui sont difficiles à traiter dans un contexte de face à face. Ceci est le cas des sujets reliés au plagiat. A terme, une véritable « intelligence collaborative » peut être aussi automatiquement induite.

  • Vers un cadre juridique international pour les Wiki et plates-formes en ligne

Jean-Baptiste Soufron, Avocat, journaliste, ancien secrétaire général du CNN, le Conseil national du numérique. Paris, France

Les situations de plagiat académique sont d’abord très difficiles à supporter pour les victimes. A l’humiliation qui est celle de toute personne qui s’est fait voler sa création s’ajoutent d’intenses pressions professionnelles que ne subissent pas les autres catégories d’auteurs. Les outils du droit ne sont pas adaptés à ces situations où les victimes n’osent pas réagir de peur de se faire mal voir du corps académique, de subir des sanctions informelles sur leur carrière ou sur leurs publications, d’être abandonnés par leur institution. Contrairement aux auteurs d’œuvres artistiques, ou aux détenteurs plus classiques de droits de propriété intellectuelle et industrielle, les auteurs académiques n’osent pas se défendre en justice, créant ainsi un cercle vicieux dans lequel les plagiaires ne sont jamais sanctionnés et sont ainsi encouragés à continuer. Pire, il peut même exister des situations dans lesquelles c’est finalement le plagiaire qui sera reconnu comme auteur en lieu et place du créateur original. Or si les conséquences sont déjà graves en matière de contrefaçon traditionnelle, elles le sont encore plus dans le domaine académique puisqu’elles empêchent l’exercice de la méthode scientifique et peuvent permettre à des individus d’acquérir des postes ou des budgets d’enseignement et de recherche en raison de leur fraude, et non de leurs mérites, diminuant ainsi les moyens qui manqueront aux vrais chercheurs.

Face à cette situation, il faut prendre acte de l’insuffisance de la règle de droit actuel. Non pas tant dans son fond que dans sa forme et dans la façon de l’exercer. Les auteurs académiques ne sont pas des auteurs comme les autres, et, à l’heure où l’on protège les lanceurs d’alerte, l’exercice de leur droit d’auteur doit également être protégé. Pour cela l’un des points clés est de mettre en place un tiers ou une communauté qui puisse être capable de les assister, mais aussi d’expertiser, de faire le lien avec leur hiérarchie et d’agir à leur place pour les protéger. Avec le temps, on peut espérer que ces tiers fédèrent des communautés et puissent devenir capables de déclencher des sanctions formelles ou informelles du simple fait de leur légitimité et de la qualité de leur expertise. Pour ce faire différents outils existent, autant au niveau du droit (droit d’auteur, droit des lanceurs d’alerte, etc.) qu’au niveau informatique (logiciels anti plagiat, wikis, etc.). Ce sont leur coordination et leur mise en œuvre qu’il importe de voir aujourd’hui.