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Communiqué – Être habilité à diriger des recherches

Les Communiqués de l’IRAFPA alertent la communauté académique sur des phénomènes ou tendances mettant en question les fondements et le bon fonctionnement de l’intégrité académique.

Communiqué de l’IRAFPA – Être habilité à diriger des recherches

©IRAFPA – Version du 23 septembre 2024 16h00

 

Les médiations conduites par l’IRAFPA dans des contextes académiques internationaux montrent qu’un nombre significatif d’inconduites académique émergent et s’installent au cours de la relation doctorant/directeur de thèse ou jeune chercheur/directeur de laboratoire.

 

Lors du Colloque “Défis et incertitudes de l’intégrité académique à l’ère de l’intelligence artificielle” (20 –22 juin 2024) un atelier « Train-the-trainers dans la formation doctorale » a permis de proposer des voies d’action spécifiques.

Aujourd’hui, la question de l’intégrité et de l’éthique est devenue prégnante au sein du monde académique et cela doit être reflété dans tous les diplômes et titres qui accréditent la compétence de chercheur ou d’encadrant de jeunes chercheurs. Or, il n’existe, à ce jour, aucun dispositif pour les futurs encadrants. Il n’est ainsi pas demandé aux personnes qui sont appelées à diriger des travaux de doctorants d’être familiarisés avec l’intégrité académique.  En France, par exemple, le règlement des HDR (qui n’ont pas été révisés depuis 1992 ne contient simplement pas les termes d’« éthique », d’« intégrité » ou de « responsabilité ».

Or, l’utilisation de l’IA générative va révolutionner la manière de produire de la connaissance, et le futur encadrant devra aussi clarifier comment ces valeurs sont régulées par des règles de conduite et des normes éthiques. Il devra notamment comprendre les limitations et les biais potentiels des systèmes d’IA générative, et comment leur utilisation peut affecter les principes d’originalité et de création de connaissance conventionnels. Le directeur de thèse ne doit donc pas laisser s’installer un huis clos entre le doctorant et l’IA générative ; sans une telle vigilance partagée, on risque une perte de la réflexion critique, une dépendance excessive aux systèmes, l’érosion de l’originalité, et l’affaiblissement du dialogue pédagogique – des éléments fondamentaux dont dépend l’essence même de l’académie.

A l’heure où les systèmes d’intelligence artificielle générative entrent de plain-pied dans le métier académique, il est urgent que les actuels et futurs encadrants de jeunes chercheurs soient sensibilisés à leurs responsabilités. Les capacités de ces systèmes sont sans cesse renouvelées et développées, rendant nécessaire une compréhension supérieurement informée de leur fonctionnement, tant pour l’encadrant que pour le doctorant, afin de pouvoir en parler franchement.

Il s’agit pour ce faire de rétablir pleinement la place historique de l’oralité, la valeur heuristique de l’échange dialectique et la vertu de la maïeutique socratique pour permettre à une connaissance en progression et aux idées créatives d’émerger. Car seul un cerveau humain sait détecter l’idée réellement novatrice d’un jeune chercheur, et seul un être humain est en mesure de faire éclore ces idées dans les meilleures conditions. Ceci, bien entendu, si la bureaucratie n’augmente pas au point de nuire à la qualité de la formation… L’avenir appelle à allier coaching au mentorat pour aider les doctorants à découvrir l’amplitude de leur potentiel.

Plus que, jamais le futur encadrant doit être une personne de conviction, et ne doit pas être perçu comme une personne de certitude, lequel dernier profil a envahi le monde politique et les réseaux sociaux. La femme et l’homme de conviction sont habités par la passion et l’art du doute. Le doute permet de s’affranchir des biais cognitifs et de la subjectivité, puis de donner une qualité authentiquement scientifique à l’énonciation de sa pensée. Le doute offre également le plaisir de la démarche tâtonnante qui se précise peu à peu. Il appelle à se placer en posture de réfutabilité au sens de Popper et clarifie ainsi peu à peu le champ de la recherche. Il exige la transparence des données à toutes les étapes de son travail. Le doute renforce le désir de débattre d’un savoir vivant qui exige précision et rigueur. Le doute invite à l’humilité et à l’honnêteté et il est donc la pratique centrale de notre métier. C’est cela le futur encadrant transmettra à ses étudiants en doctorat.

Aujourd’hui, la question de l’intégrité scientifique et de l’éthique est devenue prégnante au sein du monde académique et cela doit être reflété dans tous les diplômes qui accréditent la compétence de chercheur ou d’encadrant de doctorants. Les chercheurs de l’IRAFPA proposent donc que trois dispositifs soient mis en place pour les futurs encadrants.

  • Le concept de serment d’intégrité demandé aux doctorants fraichement diplômés est intéressant tel qu’il est appliqué en France. Parallèlement, il pourrait être demandé aux futurs encadrants de doctorants de prêter un tel serment.

 

  • Nous proposons que soit demandé comme prérequis aux futurs encadrants de doctorants de participer à une formation d’introduction aux sciences de l’intégrité. Comment, sinon, en maitriseraient-ils les termes consacrés ? Pour diriger les doctorants et les jeunes chercheurs d’un métier qui se complexifie, ces futurs encadrants devront lever toute ambiguïté en sachant distinguer les principes moraux de l’éthique scientifique, d’appréhender les us et coutumes ancrés dans la responsabilité collective, d’expliquer le rôle des conventions et règlements arrimés à leur cadre déontologique, puis de savoir expliquer comment s’articulent les normes académiques et les normes juridiques de notre société du savoir.

 

  • En outre, nous suggérons qu’avant de délivrer une autorisation à diriger des recherches à un enseignant-chercheur (HDR ou processus similaire), il lui soit demandé de rédiger une note de synthèse de cinq pages qui rend compte : a) de la manière dont il/elle s’est saisi des questions d’intégrité scientifique et d’éthique dans ses activités de recherche, et plus largement d’enseignant-chercheur et b) de la manière dont il/elle conçoit d’accompagner les doctorants qu’il encadrera dans une démarche d’intégrité académique.