Les revues sont parfois en première ligne, et elles découvrent des plagiats, des publications redondantes, des manipulations de données ou d’images, des publications ne respectant pas les objectifs des protocoles, des conflits d’auteurs et autres pratiques discutables en recherche. Les revues signalent ces pratiques aux auteurs, parfois aux reviewers, mais rien ne se passe. Les revues s’adressent peu aux institutions, qui protègent les chercheurs, et ne répondent pas aux revues.
Pour publier une rétractation, la revue doit avoir des preuves. Si les auteurs acceptent de signer une rétractation (erreur honnête ou mauvaises pratiques), la revue publie cette rétractation. En cas de refus des auteurs de collaborer, la revue ne peut pas décider de publier une rétractation sans preuve (une suspicion n’est pas suffisante), ni conduire un audit dans une institution. La seule option est d’écrire à l’institution : en l’absence de réponse, la revue devrait avoir un recours externe, avec des conseils pour pouvoir motiver une enquête. En dehors de l’Amérique du Nord, il n’existe pas de structure pour évaluer ces situations.
Tous coupables ? Les universitaires pensent que c’est de la faute des revues scientifiques qui travaillent mal. Les rédacteurs de revues pensent que si les institutions faisaient leur travail, ils ne devraient recevoir que des manuscrits de qualité, pré-évalués par les institutions. Dialogue de sourds à l’évidence sans solution !
Les revues n’ont pas pour mission de se substituer aux institutions pour évaluer ou auditer la qualité des pratiques. Les propositions de DORA (Declaration On Research Assessement) vont dans la bonne direction, mais sont insuffisantes. Le Committee On Publication Ethics a créé un espace de dialogue, mais n’apporte pas de stratégies d’action. Des revues souhaiteraient fédérer leurs efforts pour renforcer l’intégrité académique en aval de la publication. L’enjeu, en 2016, est de savoir comment et par quel dispositif.
-
La certification par la SGS et programme anti-plagiat
Jean-Pierre Méan, Ancien président de Transparency International Switzerland, Expert Accréditations SGS, Genève, Suisse
Nous réaliserons d’abord un survol des activités de certification de la SGS dans les domaines de la responsabilité sociale des entreprises, de la lutte contre la corruption et du plagiat. La SGS est la no 1 des sociétés d’inspection, vérification, testing et certification : 85’000 employé, 1800 bureaux et laboratoires dans le monde entier, CA : CHF 5.7 milliards (€ 5.1 milliards), No 1 de la certification, CA : CHF 419 millions (€ 377 millions). Les évaluations ou certifications sont effectuées selon notamment les standards suivants : ISO 26000 (non certifiable) ; Responsabilité sociale, ISO 45001 et OHSAS 18001 ; Santé et sécurité, SA 8000 ; Responsabilité sociale. La SGS est en outre accréditée pour conduire des audits selon les programmes suivants: Business Social Compliance Initiative (BSCI), Electronic Industry Citizenship Coalition (EICC), Ethical Trading Initiative (ETI), Initiative Clause Sociale (ICS), International Council of Toy Industries (ICTI). SEDEX (Supplier Ethical Data Exchange) members ethical trade audit (SMETA).
La SGS a été pionnière en Europe en mettant en place son propre système anti-corruption, en s’engageant dans l’évaluation et la certification de systèmes de management anti-corruption selon : le standard français d’Ethic Intelligence, le standard britannique BS 10500 et se prépare pour ISO 37001 (automne 2016). Le développement de la certification anti-corruption est stimulé par la mise en place du UK Bribery Act (loi sur la corruption) en 2011: Cette loi a statué une responsabilité pénale des sociétés pour toute corruption dans leur périmètre si elles n’ont pas de procédures anti-corruption adéquates; cette disposition concerne toutes les sociétés qui ont une activité commerciale dans le Royaume-Uni pour leurs activités dans le monde entier .
Dans cette lignée, les principes directeurs pour un programme anti-plagiat seront présentés. Ils ont été développés avec le professeur Michelle Bergadaà pour l’expertise anti-plagiat et par la SGS pour l’expertise certification. Comprennent les éléments des programmes de conformité, soit : l’engagement des instances et personnes concernées de lutter contre le plagiat, les ressources financières et humaines, les chartes ou codes de conduite, la communication interne et externe, la formation, les contrôles, la gestion des plaintes, les sanctions et la communication.
-
Une typologie des fraudes académiques prédominantes : comment les repérer pour les circonscrire
Paulo Peixoto, Professeur, Université de Coimbra
(Membre d’une équipe de recherche aussi constituée par (Ana Seixas, Denise Esteves, Filipe Almeida e Paulo Gama).
Une recherche subventionnée par la Fundação para a Ciência e a Tecnologia, Operational Programme Thematic Factors of Competitiveness (COMPETE) et le Fonds européen de développement régional (FEDER) a été réalisée sur un échantillon représentatif (7.292 répondants). Elle porte sur la fraude académique commise par les étudiants du premier cycle dans l’enseignement supérieur au Portugal (recherche également conduite au Brésil et en Espagne avec des échantillons non représentatifs). Une typologie des principales fraudes académiques a pu être établie. Cette typologie a été contrôlée par des enquêtes réalisées auprès de professeurs (2.727 répondants). Elle a été validée, au niveau du contenu, avec des méthodologies qualitatives.
A l’issue de ce travail, nous sommes en mesure de présenter les principaux facteurs de motivation et d’inhibition pour commettre ou ne pas commettre différentes formes de fraude académique. Elle est ancrée sur quatre catégories axiales de fraude : appropriation, simulation, facilitation et occultation. Nous présenterons les perceptions et les opinions des étudiants et des professeurs vis-à-vis des fraudes académiques prédominantes afin d’en repérer et d’en discuter les formes le plus fréquentes. Nous traiterons notamment des mécanismes de dénonciation, de l’attribution de sens de gravité relative aux différentes formes de fraude académique et des dispositions préalables à la réalisation de formes distinctes formes de fraude.
Le paysage de la recherche est certes jeune au Luxembourg, mais depuis plus dix ans, la recherche publique a bénéficié d’un soutien très conséquent de la part du public et des acteurs politiques. Pour les années à avenir, il est de la responsabilité individuelle des divers acteurs de la recherche d’apporter collectivement la preuve que lesdits investissements ne sont pas vains et que ces derniers porteront leurs fruits en termes d’impact économique, sociétal, culturel et académique.
Le FNR souhaite, dans ce contexte actuel, assumer son rôle d’agence de financement de la recherche publique et vise à « promouvoir la qualité et l’excellence scientifiques de la recherche ». De ce fait, en tant que bailleurs des fonds attribués de façon compétitive à la recherche le FNR a entrepris depuis plusieurs années une réflexion sur l’éthique et l’intégrité scientifique afin de mieux définir sa politique, en cohérence avec les actions des divers acteurs.
Les conduites éthiquement ou déontologiquement discutables font l’objet d’une dissémination plus transparente et en tant qu’agence de financement il convient de répondre. Ainsi prenons, pour illustrer l’évolution de l’approche des acteurs européens l’exemple du groupe de travail de Science Europe (a) et de la présidence luxembourgeoise du conseil de l’UE (b) ainsi que la volonté entre les acteurs nationaux de créer une agence commune (c).
- a) Science Europe (créée en 2011) est une association regroupant 52 agences de financement et organismes de recherche, qui a pour objectif de promouvoir les intérêts collectifs du financement et de la réalisation de la recherche en Europe. Partant, par le biais de groupes de travail, diverses approches pour aider les membres à mettre en place des règles sont explicitées.
- b) Au plus tard depuis l’adoption début décembre 2015 en conseil de la compétitivité durant la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE l’intégrité scientifique de la recherche est également portée par les politiques des pays membres.
- c) Au niveau national, la volonté du MESR et du FNR est de mettre en place courant de l’année 2016 une agence nationale ayant une double mission : la prévention et l’investigation de fraudes.
L’enjeu, pour le futur est de préserver les investissements antérieurs et garantir l’excellence et de facto, sans vouloir faire un plaidoyer pour une science « propre », il convient de porter l’approche sous l’éclairage actuel et de discuter les possibles orientations et choix, car la fraude contribue à semer le doute et le discrédit !
Le site « Responsable.unige.ch » s’est fixé, à l’origine, comme objectif de soutenir les victimes du plagiat académique. Jusqu’à présent le site responsable a pu s’appuyer sur ses propres ressources afin de combler ce vide académique. Néanmoins, la prolifération des cas de plagiat, ainsi que l’accroissement de la notoriété du site, a résulté à une surcharge des demandes d’intervention qui ont franchi les frontières de la langue française et du contexte franco-suisse. L’équipe « Responsable » s’est donc lancé comme défi d’étendre son action via la mise en place d’une plate-forme collaborative virtuelle.
Ce format d’intervention collaboratif représente plusieurs avantages. Tout d’abord la présence virtuelle, permet aux victimes d’avoir une réponse immédiate à leurs questionnements de la part d’autres « adhérents » sans intervention directe de l’actuel unique interlocuteur des victimes, Pr Bergadaà. La nature collaborative de cette communauté permet à chacun l’accès à des expertises de plusieurs domaines et pays. Ce type de communautés virtuelles lève le rideau sur les non dits et donne un sentiment de sécurité qui encourage les membres à s’exprimer. Ainsi, l’interaction entre eux permet la mise en place d’une culture de partage d’information et de soutien mutuel. De plus, ce type de regroupement offre la possibilité de s’aligner sur des objectifs qui peuvent dans ce cas de figure faire avancer la lutte au niveau global contre la propagation du plagiat.
Au niveau de la recherche scientifique, la mise en place d’une plate-forme virtuelle, permet une meilleure compréhension de cet objet et de sa dynamique. En effet, le site collaboratif permet une augmentation des cas à traiter. Ceci donne accès à un corpus de recherche fort en substance qui pourra être investi à travers une Netnographie approfondie. En effet, cette méthode novatrice permet une analyse des données disponible sur le web. Elle donne l’accès à des données que les méthodes classiques tels que les entretiens ou les groupes de focus ne permettent pas. La Netnographie est une méthode naturelle et non intrusive qui permet de cerner la culture ainsi que les dynamiques des communautés virtuelles. C’est une méthode naturelle, qui permet l’observation des interactions des membres dans leur environnement. Cette méthode offre une supériorité pour les sujets sensibles, elle encourage la liberté d’expression face à des sujets qui sont difficiles à traiter dans un contexte de face à face. Ceci est le cas des sujets reliés au plagiat. A terme, une véritable « intelligence collaborative » peut être aussi automatiquement induite.
-
Vers un cadre juridique international pour les Wiki et plates-formes en ligne
Jean-Baptiste Soufron, Avocat, journaliste, ancien secrétaire général du CNN, le Conseil national du numérique. Paris, France
Les situations de plagiat académique sont d’abord très difficiles à supporter pour les victimes. A l’humiliation qui est celle de toute personne qui s’est fait voler sa création s’ajoutent d’intenses pressions professionnelles que ne subissent pas les autres catégories d’auteurs. Les outils du droit ne sont pas adaptés à ces situations où les victimes n’osent pas réagir de peur de se faire mal voir du corps académique, de subir des sanctions informelles sur leur carrière ou sur leurs publications, d’être abandonnés par leur institution. Contrairement aux auteurs d’œuvres artistiques, ou aux détenteurs plus classiques de droits de propriété intellectuelle et industrielle, les auteurs académiques n’osent pas se défendre en justice, créant ainsi un cercle vicieux dans lequel les plagiaires ne sont jamais sanctionnés et sont ainsi encouragés à continuer. Pire, il peut même exister des situations dans lesquelles c’est finalement le plagiaire qui sera reconnu comme auteur en lieu et place du créateur original. Or si les conséquences sont déjà graves en matière de contrefaçon traditionnelle, elles le sont encore plus dans le domaine académique puisqu’elles empêchent l’exercice de la méthode scientifique et peuvent permettre à des individus d’acquérir des postes ou des budgets d’enseignement et de recherche en raison de leur fraude, et non de leurs mérites, diminuant ainsi les moyens qui manqueront aux vrais chercheurs.
Face à cette situation, il faut prendre acte de l’insuffisance de la règle de droit actuel. Non pas tant dans son fond que dans sa forme et dans la façon de l’exercer. Les auteurs académiques ne sont pas des auteurs comme les autres, et, à l’heure où l’on protège les lanceurs d’alerte, l’exercice de leur droit d’auteur doit également être protégé. Pour cela l’un des points clés est de mettre en place un tiers ou une communauté qui puisse être capable de les assister, mais aussi d’expertiser, de faire le lien avec leur hiérarchie et d’agir à leur place pour les protéger. Avec le temps, on peut espérer que ces tiers fédèrent des communautés et puissent devenir capables de déclencher des sanctions formelles ou informelles du simple fait de leur légitimité et de la qualité de leur expertise. Pour ce faire différents outils existent, autant au niveau du droit (droit d’auteur, droit des lanceurs d’alerte, etc.) qu’au niveau informatique (logiciels anti plagiat, wikis, etc.). Ce sont leur coordination et leur mise en œuvre qu’il importe de voir aujourd’hui.