Le thème de la session 2 a été proposé par David Malec, Professeur en Génie Électrique, Directeur d’École doctorale et Directeur du Collège doctoral toulousain (École des Docteurs de Toulouse)
Selon Eurostat, plus de 725 000 personnes sont engagées dans des études de doctorat en Europe, dont plus de 187 000 s’inscrivent chaque année. L’enseignement de l’intégrité dans un format traditionnel, avec une classe d’une journée de 15 étudiants maximum, nécessiterait plus de 12 000 interventions de formation. Avec une telle classe « one shot », on ne pourrait raisonnablement que donner un aperçu de ce que sont l’éthique et l’intégrité. Il serait tout à fait impossible d’établir les racines de l' »éthique de la vertu ». C’est bien par la pratique de l’intégrité scientifique au quotidien que s’apprennent les bonnes pratiques. Si nous ne devions retenir qu’un exemple significatif, nous penserions à la défense de Anne Peyroche, cette biologiste réputée qui a été sanctionnée pour avoir manipulé des images dans le but, dit-elle, de convaincre les revues et ses collègues de l’excellente qualité du travail de ses équipes et du caractère démonstratif des expériences. Elle précise que ce qui est « considéré comme méconduite étaient monnaie courante »… du moins dans son laboratoire qu’elle n’a, en fait, pas quitté.
Les doctorant(e)s (Ph. D. students) sont formés pendant le déroulement de leur thèse pour constituer les élites de la recherche académique et technologique. Cette formation à la recherche, couronnée par l’octroi du grade universitaire le plus prestigieux, est encadrée de manière institutionnelle par des règles propres à chaque pays, mais également par l‘éthique, la déontologie et l’intégrité scientifique dont doivent faire preuve tous les acteurs impliqués dans le travail de thèse : du recrutement à la soutenance.
Cependant, l’existence de thèses de complaisance est une réalité que l’on ne peut nier. Celles-ci détruisent le dispositif d’ancrage de l’intégrité. Elles entachent aussi la réputation de la recherche de haut niveau et participent au développement de pratiques déviantes et répréhensibles telles que le plagiat, la fraude, la corruption. Ce colloque sera l’occasion de faire le point sur ces pratiques condamnables en s’interrogeant sur leurs motifs, les pratiques et les risques encourus.
Plusieurs angles d’étude pourront être abordés pour traiter de ce thème d’importance :
• Quelles sont les pressions qui pèsent sur les directeurs de thèse pour les amener à une surenchère de doctorats délivrés : pression de l’unité de recherche, pression de l’école doctorale, course au Curriculum Vitæ bien garni ?
• Y a-t-il un profil type pour le binôme doctorant-directeur de thèse dans les thèses de complaisance ? Y a-t-il des directeurs de thèse serial-tricheurs ? Ou est-ce une attitude ponctuelle ? Avons-nous été une fois dans notre carrière tenté d’y recourir (ou succomber) ?
• Quelle est la nature des relations entre doctorant et directeur de thèse fraudeurs ? Qui emmène, influence l’autre ? Par quel mécanisme : chantage, harcèlement ou compassion ?
• Y a-t-il un modus operandi générique permettant de faire soutenir une thèse de niveau médiocre ou falsifiée ? Quelle est l’importance du plagiat ou de l’appropriation de données/savoir faire de l’unité de recherche non encore publiées ? Quelle est l’importance de la fabrique de résultats ?
• Les jurys de complaisance : leur composition, les tractations menées pour obtenir le silence ou l’indulgence, les échanges de bons procédés…
• Y a-t-il des indices permettant d’identifier ex post une thèse de complaisance ? Y a-t-il des réputations (par discipline) de membres de jury complaisants ? A-t-on une évaluation du nombre de thèses par complaisance ?
• Quels sont les risques encourus si la fraude (délivrance d’un doctorat de complaisance) est avérée ? Combien de thèses ont été invalidées ? Quels sont les risques à court et long terme pour le jeune docteur, pour le directeur de thèse ? Quid de l’omerta, du soutien des instances ?
• Comment lutter contre ce phénomène ? Comment faut-il réformer les études doctorales pour y remédier ou le cadre actuel est-il suffisant ?
Ces questions peuvent également s’appuyer sur une comparaison entre les différentes pratiques par-delà les frontières. Des travaux d’analyse comparative – tant au niveau interdisciplinaire qu’au niveau international – sont donc également attendus afin qu’une dynamique, ouverte sur de nouveaux horizons, puisse être discutée.
Bibliographie (repères)
http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Tertiary_education_statistics
Bergadaà M. (2012), Les thèses de complaisance, rapport d’analyse numéro 2012-005 : https://responsable-unige.ch/assets/files/lettre48/Analye_Theses_de_complaisance.pdf
Bes M.-P., Lamy J., Maisonobe M. (2020), La forge des pairs : la fabrique des jurys de thèses en France dans trois disciplines scientifiques, HAL Id: hal-02551202 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02551202
https://www.cea.fr/presse/Documents/Rapport_AP_FINAL_22%2001%202020.pdf
Intégrité scientifique : Affaire Peyroche, clap de fin ? Lien
https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/02/11/integrite-scientifique-affaire-peyroche-clap-de-fin/