Le thème de la session 7 a été proposé par : Jacques Py, Professeur, Université de Toulouse, Président du Comité d’Éthique de la Recherche de l’Université fédérale de Toulouse
Les « comités d’éthique de la recherche » font aujourd’hui débat et les contributions permettant d’éclairer la situation sont les bienvenues, qu’elles soient le fruit de recherches empiriques ou d’argumentations analytiques à leur sujet.
Ces « comités d’éthique » – traduction de « Ethics Committee » – sont nés en 1974, aux États-Unis, suite au code de Nuremberg, sous l’appellation d’Institutional Review Board (IRB) et se sont développés dans le monde entier (maintenant présents dans plus de 100 pays). Leur rôle a été considérablement élargi par l’examen de recherches impliquant des participants (humains ou animaux) avant qu’elles ne soient conduites, dans le but de s’assurer qu’une recherche respectera l’intégrité physique et psychologique des sujets, leurs droits et leur bien-être, ainsi que le cadre légal et réglementaire de le recherche, notamment concernant la protection des données personnelles. Nombreux sont ceux qui jouent aussi un rôle de conseil, en examinant aussi l’apport scientifique potentiel de la recherche pour la science et pour la société. Lorsqu’un chercheur soumet son dossier à un comité d’éthique, il présente en effet un état de l’art concernant la question de recherche qu’il souhaite traiter, la méthodologie de sa recherche, les modalités d’analyse des données qui seront recueillies, les modalités de diffusion des résultats obtenus, la manière dont les données seront stockées et archivées, éventuellement réutilisées au sein de son équipe de recherche, voire ouvertes à d’autres équipes. Le chercheur qui présente son dossier de recherche au comité d’éthique s’engage à respecter les termes sur lesquels le comité a fourni un avis.
Mais toutes les disciplines académiques et toutes les organisations ne se réfèrent pas à ces comités d’éthique. Les raisons peuvent en être économiques (coûts), politiques (conflits d’intérêts), idéologiques (positivisme normatif), etc. De nombreux chercheurs (Dyer & Demeritt, 2009; Felices-Luna, 2016; Hammersley, 2009, etc.) remettent en cause le travail des « comités d’éthique de la recherche » en pointant leur rôle normatif ou en constatant que des pratiques discutables de recherche peuvent être relevées pour des recherches qui avaient reçu l’aval d’un comité, notamment en médecine où l’on peut relever quelquefois des écarts majeurs entre le protocole de recherche validé et celui réalisé, ce qui aboutit à ne respecter ni les participants, ni la science.
A contrario, le travail de ces « comités d’éthique de la recherche » est généralement perçu comme se situant aux fondements mêmes de la démarche d’intégrité scientifique, en cela qu’il offre des garanties pour une science transparente, reproductible et ouverte, respectueuse des individus (ou animaux) qui participent aux recherches et des institutions au sein desquelles ces recherches sont réalisées et/ou qui les financent.
La question urgente se pose : les « comités d’éthique de la recherche » sont-ils un instrument significatif de promotion de l’intégrité scientifique et doit-on renforcer leur rôle ? Ou doit-on plutôt considérer qu’il s’agit de renforcer le rôle d’autres cadres de régulation institutionnelle (ex. commission de déontologie au sein d’une université, ou encore comités ad hoc au sein de chaque laboratoire de recherche) ou collective (ex. sociétés savantes) ?
Bibliographie (repères)
Dyer, S. & Demeritt., D. (2009). Un-ethical Review? Why it is Wrong to Apply the Medical Model of Research Governance to Human Geography, Progress in Human Geography, 33(1), 46-64.
Felices-Luna, M. (2016). Attention au chercheur ! L’éthique sous la menace de la recherche, la science sous l’emprise des comités d’éthique en recherche. Déviance et Société, 40(1),3-23.
Hammersley, M. (2009). Against the Ethicists: on the Evils of Ethical Regulation, International Journal of Social Research Methodology, 12(3), 211-225.