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2022 Thème 6 : Open Access, Science Ouverte et intégrité

Responsables du thème 6 :
Chérifa Boukacem-Zeghmouri, Professeure en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Lyon 1
Patrick Furrer, Open Science Expert

Cette session se focalisera sur les enjeux de l’intégrité scientifique qui se révèlent avec la mise en œuvre effective de la « Science Ouverte ». Elle accueillera des recherches – issues des sciences et des sciences humaines et sociales – qui contribuent à rendre compte de quelle(s) manière(s) la question de l’intégrité scientifique participe pleinement à celle de l’ouverture de la science.

La question est de comprendre comment cette ouverture renforce les valeurs mertoniennes (Merton, 1942) de la science et participe à en instaurer de nouvelles, devenues possibles via les infrastructures et les pratiques numériques de la recherche ? En quoi l’intégrité s’en trouve-t-elle en danger ou au contraire consolidée ?

L’ouverture de l’accès à la publication scientifique (Open Access) passé de mouvement militant à une réalité économique et politique, de même que les avancées récentes en matière d’ouverture des données de la recherche, ou bien l’inclusion des citoyens dans la pratiques des sciences concrétisent tous les jours un peu plus l’entreprise de l’ouverture de la science. Des savoirs scientifiques et des savoirs profanes se conjuguent pour consolider les démocraties ; la science se doit de rester ouverte aux savoirs ancestraux ou autochtones, dont elle ne maîtrise peut-être pas encore la rationalité, les tenants et les aboutissants, comme le préconise très justement la recommandation de l’UNESCO sur la science ouverte. Pour autant, dans le contexte actuel de la numérisation de la société (Miège, 2020) et du déploiement des infrastructures numériques de la recherche, l’ouverture de la science oscille entre les opportunités véritables qu’elle propose et les risques nombreux que cette ouverture représente (Funtowics & Ravetz, 1999).

Aujourd’hui, la Science Ouverte gagne du terrain sur le front des politiques de recherches et des pratiques sociales des communautés scientifiques. D’autre part l’actualité scientifique rend régulièrement compte de phénomènes qui touchent à l’intégrité scientifique. L’enjeu de l’intégrité se donne à voir depuis les modalités de la création avec le cas de la crise de la reproductibilité et de l’ouverture des données qui en arrive à questionner le sens de l’entreprise scientifique et les valeurs qui régissent les pratiques de ses communautés. Il s’exprime aussi à travers les modalités de production avec des acteurs prédateurs qui alimentent le champ scientifique et le web de contenus dont le statut et la légitimité ne sont pas garantis (Cabanac, 2021) (Grudniewicz, 2019). Il se décline aussi dans les modalités de diffusion fondées sur des modèles économiques développés par les grands groupes de l’édition scientifiques qui monétisent cette ouverture (Khelfaoui & Gingras, 2020) ; ou bien encore avec l’utilisation à des fins politiques de résultats partiels ou non encore vérifiés, voire de contre-vérités affirmées sous des semblants de scientificité qui circulent sur les réseaux sociaux qui les propagent. Enfin, il se révèle aussi dans les modalités de réception, avec la réputation scientifique qui s’acquiert encore aujourd’hui au travers d’indices quantitatifs d’impact, liés à la réputation de journaux scientifiques, sous l’emprise d’un petit groupe de grands éditeurs internationaux qui détiennent un oligopole et des droits sur ce qui devrait être un bien commun.

De la même façon, l’enjeu de l’intégrité se manifeste dans les bonnes pratiques développées dans la transversalité des domaines de recherches, comme les serveurs de pre-prints qui ont joué un rôle crucial dans le partage des résultats de la recherche autour de la Covid-19 notamment, ou les Registered reports qui instaurent la possibilité de publier des résultats négatifs. D’autres pratiques, à l’interface avec les citoyens (sciences participatives), sont légitimées et prises en compte comme une activité scientifique à part entière ; ou bien encore l’Open Peer Review qui fait désormais partie des formes d’évaluation dans le sillage de l’évaluation des résultats ou des projets de recherche déposés auprès d’agences de financement de la recherche.

Les nouvelles frontières de l’intégrité scientifique grâce ou à cause du mouvement de la science ouverte sont encore à éclaircir…

 

Bibliographie (repères)

Aspesi, Claudio; Brand, A. (2020). In pursuit of open science, open access is not enough. Science, 368(6491), 574–577. https://doi.org/10.1126/science.aba3763

Cabanac, G., & Labbé, C. (2021). Prevalence of nonsensical algorithmically generated papers in the scientific literature. Journal of the Association for Information Science and Technology. https://doi.org/10.1002/asi.24495

Funtowicz, S. O., & Ravetz, J. R. (1993). Science for the post-normal age. Futures, 25(7), 739–755. https://doi.org/10.1016/0016-3287(93)90022-L

Grudniewicz, A., Moher, D., Cobey, K. D., Bryson, G. L., Cukier, S., Allen, K., … Lalu, M. M. (2019). Predatory journals: no definition, no defence. Nature. https://doi.org/10.1038/d41586-019-03759-y

Merton, R. (1942). A Note on Science and Democracy. J. Legal & Pol. Soc., 115–126.

Miège, B. (2020). La numérisation en cours de la société. Points de repères et enjeux. Presses Universitaires de Grenoble.

Mirowski, P. (2018). The future(s) of open science. Social Studies of Science, 48(2), 171–203. https://doi.org/10.1177/0306312718772086

Robert K. Merton, « The Normative Structure of Science » (1942) in Storer N.W. (ed.), The Sociology of Science, Chicago, University of Chicago Press, 1973

UNESCO Open Science Recommendation: https://en.unesco.org/science-sustainable-future/open-science

Open Science at EU level : https://ec.europa.eu/info/research-and-innovation/strategy/strategy-2020-2024/our-digital-future/open-science_en

Citizen Science: https://en.wikipedia.org/wiki/Citizen_science